Au petit matin, Lemie était allongée sur le dos dans son lit, les mains jointes posées sur son ventre. Ses yeux s'ouvrirent subitement quand elle entendit frapper énergiquement à sa porte. Cela ne pouvait être qu'Oli. Lemie sortit de son lit, la tête décoiffée, marchant au radar, peu présentable pour accueillir qui que ce soit, et se rendit, malgré tout, jusqu'à l'entrée. En déverrouillant la porte, elle entendit son invitée lancer un «c'est pas trop tôt», comme si elle était à son service, et qu'elle avait fait attendre un soupçon trop longtemps sa cliente.
- Salut ! T'as du café ? Demanda Oli, plantée sur le palier.
Lemie fut surprise par l'aisance à toute épreuve de l'inconnue. Comment lui était il possible d'avoir une telle facilité à demander tant de choses à quelqu'un qu'elle ne connaissait pas. Pour un peu, Lemie aurait eu envie de prendre des leçons de cette attitude, tant elle était tout le contraire de son invitée.
- Bien sûr ! Entre. Lui répondit elle.
Oli pénétra dans les lieux et découvrit les affaires de son hôte, encore emballées dans des cartons posés un peu partout, ici et là. Elle vit ensuite le canapé en tissu rouge, sur lequel elle se jeta.
- Tu as bien dormi ? Demanda Lemie, en rapportant une dose de caféine bien chaude à son invitée.
- Je n'ai pas dormi.
Lemie ne mit pas longtemps à se souvenir qu'il n'y avait aucun matelas dans la pièce, ce qui rendait sa question totalement ridicule. Comment son invitée aurait elle pu trouver le sommeil dans de telles conditions ? En boule sur l'oreiller sale ? Assise sur la chaise ? Gênée, elle n'osa plus rien dire, jusqu'à ce qu'Oli engage la discussion.
- Alors, pourquoi as tu choisi cet appart ?
- J'ai senti que c'était ici qu'il fallait que je sois. Répondit Lemie.
- Sans blague ! Mais il te plait vraiment ?
- Je cherchais quelque chose qui me semblait avoir des histoires à me raconter.
- Quel genre d'histoires ? Insista Oli.
- Des histoires plus tristes que moi.
Oli détourna le regard. Elle ne sembla pas disposée à pénétrer dans l'intimité du passé de la jeune femme, et à éclaircir ce point pour le moins obscur. Elles n'étaient, de toute façon, pas suffisamment proche pour en arriver là. Après quelques instants de silence, elle ajouta :
- Tu as fait le bon choix alors. Ici, c'est chargé d'histoires tristes.
- Tu en connais ?
- Je t'en raconterai un jour, peut être. Mais pas aujourd'hui. J'ai des choses à faire.
Oli se leva, prête à quitter les lieux. Lemie la suivit jusqu'à la porte et, avant de laisser partir son invitée, l'interpella au dernier moment.
- Au fait ? je ne t'ai pas dit mon prénom.
- Je ne te l'ai pas demandé. Répondit Oli, comme pour sous entendre que ce détail lui importait assez peu.
- C'est Lemie. Insista la jeune femme, qui voulait rendre leur cohabitation temporaire plus formelle.
- Bien. D'accord Lemie. A plus.
- A ce soir ?
- Qui sait !
Oli disparut ainsi, sur ces quelques mots, laissant la jeune femme seule avec ses interrogations. L'occasion était trop belle. Si Oli n'était pas là, elle allait pouvoir réfléchir à la façon dont elle pourrait découvrir le contenu de la malle qui se trouvait dans la pièce extérieure. Mais il allait lui falloir être discrète. Si son invitée venait à le constarer, alors Lemie serait dans une position délicate. Voire difficilement justifiable.
Installée sur son canapé, la jeune femme se surprit à faire une recherche sur internet.
«Comment forcer une serrure sans la casser»
A peine eût-elle le temps de taper ces quelques mots, qu'elle se rendit compte que son obsession naissante était déraisonnable et mal placée. Elle n'avait pas à savoir ce qui se trouvait dans ce coffre. Après tout, il ne lui appartenait pas, qu'importe s'il se trouvait chez elle. Si celui ci était fermé, ce n'était pas pour rien. D'autant que Lemie était sans doute la première à tenir à sa propre intimité, mais une petite voix lui glissait à l'oreille que, quelque part, en s'arrangeant un peu avec sa conscience, elle pourrait rapidement se considérer comme étant la nouvelle propriétaire de l'objet, compte tenu des circonstances. Perdue entre sa raison et sa passion, Lemie jeta son téléphone sur le coussin noir à côté d'elle, et commença à tourner en rond dans son appartement. Elle fit les cent pas de son salon à sa cuisine, puis jusqu'à sa chambre, et revint à son point de départ, plusieurs fois de suite, sans que cela n'ait jamais le moindre effet sur son esprit.
Si la jeune femme n'avait pas une grande expérience des relations humaines, elle savait, malgré tout, que forcer le verrou de la malle constituerait une sorte de violation de la vie privée d'Oli. Une intrusion totale dans son espace personnel. Encore que, cette dernière avait choisi de quitter les lieux en y laissant quelques affaires, c'était donc de sa responsabilité. Mais cela pouvait il suffire à autoriser Lemie de fouiller dans sa cachette ?
Pendant qu'elle était perdue dans ses pensées, Lemie entendit le bruit des pas d'Oli dans les escaliers. Elle était enfin de retour. Curieusement, à l'inverse de la veille, cette absence qui n'avait pas duré plus d'une heure ou deux, lui paraissait avoir durée une éternité. La jeune femme ne se l'expliqua pas, mais elle trouva une certaine sérénité de ne pas se savoir totalement seule.
Sans l'avouer, elle espérait que son invitée vienne frapper à sa porte, comme au petit matin. Mais Oli semblait avoir d'autres projets. Lemie entendit la jeune femme entrer dans la pièce extérieure, et s'y enfermer. Un peu vexée de ne pas faire partie des priorités de celle ci, elle décida d'aller elle même à sa rencontre. Mais il lui fallait une bonne excuse pour justifier ce dérangement. Admettre simplement qu'elle avait envie d'une présence aurait été trop difficile pour elle. «On ne se pointe pas chez les gens comme ça.» pensa t elle, oubliant furtivement qu'Oli n'était pas chez elle. Malgré ça, elle se mit à fouiner dans ses cartons, et en sortit une couverture. Certes loin d'être neuve, décousue par endroit, blanche à l'origine mais devenue grise avec le temps. Quoi qu'il en soit, cela lui semblait bien mieux que ce qui pouvait se trouver dans la pièce. D'un pas timide, elle sortit frapper à la porte de sa convive, plaid en main.
- Quoi ? Répondit Oli, en ouvrant la porte, faisant mine de soupirer un peu.
- Je t'ai trouvé une couverture pour dormir.
- Merci mais je n'en ai pas besoin.
- Mais tu ne vas pas passer tes nuits sur cet oreiller dégueulasse, sans matelas et sans couverture. Insista Lemie.
- C'est mon problème. Et puis, c'est l'été de toute facon.
Lemie baissa les yeux. Elle comprit que sa démarche ne fut pas la bonne. Toutefois, Oli remarqua la déception de celle qui l'hébergeait, et ne put la laisser ainsi sans réagir.
- Hé ! Tu sais quoi ? On pourrait peut être manger ensemble ce soir. Je te raconterais peut être quelques histoires sur cet appartement. Lança t elle, dans le but évident de ne pas froisser son hôte.
Lemie retrouva une lueur dans le regard et accepta la proposition avec plaisir. Le rendez vous fut pris pour 19h, le jour même. La jeune femme retourna chez elle, prête à retrousser ses manches pour cuisiner le meilleur de ce qui lui passerait sous la main. Et de ce côté là, Lemie ne pouvait nier que les choix étaient plus que limités. En ouvrant son frigo, elle aperçut un peu de salade, et se souvint avoir de la pizza dans le congélateur. Nous étions loin d'un menu gastronomique, mais Lemie en fut convaincue, si Oli appréciait de manger du chewing gum à longueur de journée, alors une pizza, même surgelée, devrait faire l'affaire. Ne lui restait plus qu'à attendre l'heure d'arrivée de son invitée, bercée par les tic tac de son horloge, visiblement toujours au ralenti.
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L'Appartement
Cerita Pendek"La solitude, autant qu'on peut la vouloir ou l'espérer, sonne comme un abandon quand elle s'éternise un peu trop".