Au petit matin, Lemie n'avait que très peu dormi. Mais qu'en était il pour Oli ? C'est la première question que se posa la jeune femme, qui ne mit pas longtemps avant de se rendre au salon. Son invitée était là, assise, les yeux dans le vide, à donner l'impression d'attendre quelque chose qui n'allait pas venir. Lemie s'approcha de celle ci, avec douceur.
- Comment te sens tu aujourd'hui ? Lui demanda t elle.
Oli leva les yeux, et observa Lemie. Il n'y avait pas besoin de répondre pour comprendre ce qu'elle ressentait.
- Tu ne veux toujours pas me parler ? Ajouta-t-elle.
Le silence d'Oli fit comprendre que la situation n'allait pas s'éclairer dans l'instant. Lemie se dirigea vers la cuisine, se fit couler un café, et en prépara un à son invitée. De retour dans le salon, Oli s'était mise debout. Si cela n'était pas un exploit, cela ressemblait à une évolution dans son comportement. Lemie lui tendit la tasse chaude, qu'Oli accepta, sans pour autant dire un seul merci. Elle trempa ses lèvres, et se laissa réchauffer par cette gorgée.
- Je peux rester ici quelques jours ? Demanda Oli.
Il était évident, pour Lemie, que celle ci allait passer le temps qu'il lui faudrait, chez elle. Mais le simple fait de l'entendre poser cette question, la rassurait. Si Oli se remettait à parler, même pour ne rien dire, c'était déjà un bon début.
- Tu es ici comme chez toi, jusqu'à ce que tu ailles mieux. Assura Lemie.
- Et si je ne vais jamais mieux ?
La question d'Oli troubla son hôte. Bien sûr, dans toute existence, il y a un risque de ne jamais se remettre d'une épreuve. Tout dépend du combat à mener, et de l'énergie autant que de la volonté à le faire. Lemie était bien placée pour le savoir. Toutefois, elle ne pouvait se résoudre à imaginer Oli ne pas se relever d'une situation, qu'elle qu'elle soit. Elle lui avait montré bien trop de force en elle, pour ne pas y croire. Et puis, elle avait déjà trop à faire pour relever sa propre carcasse, il lui fallait donc de l'espoir. Elle ne voulait pas sombrer en binôme.
- Tu finiras par aller mieux.
- C'est ce que tu te dis pour toi ? Demanda Oli.
Lemie fut gênée de cette question. La réponse était forcément non, mais elle ne pouvait le dire à haute voix, sans risquer de briser encore un peu plus sa presque colocataire.
- Ce n'est pas le sujet Oli.
- C'est précisément le sujet. Comment peux tu affirmer que quelqu'un pourra se sentir un jour revivre, quand toi même tu te sens morte à l'intérieur ?
- Je n'ai jamais dit que j'en étais là. Répondit Lemie.
- Mais tu l'es. Non ?
Lemie ne put répondre à cette question. Elle était à la fois bien trop intrusive, et trop pénible pour elle. Que pouvait elle bien savoir de sa tristesse, de ses douleurs ? Elle n'en avait jamais rien évoqué jusque là.
- Parfois, il n'y a pas besoin de parler pour que les choses se remarquent. Poursuivit Oli.
- C'est ton cas. Tu ne me dis rien, mais je vois bien que quelque chose s'est passé.
Habilement, Lemie ramena la discussion sur Oli, qui se laissa enfin aller sur la question.
- C'est vrai. Dit elle, baissant les yeux. C'est mon amie, elle ne va pas bien du tout.
- Son état s'est aggravé ?
- Il y a quelques jours, quand nous nous sommes quittées, je suis allée à l'hôpital. Elle a sombré soudainement. J'ai vu son corps se raidir sous des spasmes, comme si elle s'en allait, alors qu'elle n'est déjà plus tellement là. Les médecins ne se sont pas montrés optimistes. Je suis donc restée à ses côtés jusque là.
- Comment va t elle maintenant ? Demanda Lemie.
- Elle est stable. Mais pour combien de temps ?
La jeune femme comprenait totalement l'inquiétude de son invitée, mais se sentait impuissante face à la situation. C'était un véritable problème, mais un de ceux qui n'ont aucune solution. Intérieurement, elle pensa qu'Oli serait sans doute plus sage en se préparant enfin au pire. Mais lui dire n'aurait pas été judicieux, elle semblait suffisamment fragile pour l'heure.
- Tant que son cœur bat encore, ne perds pas espoir. Affirma Lemie, peu convaincue de son conseil.
- Ce n'est pas sûr ! Elle peut très bien revenir avec de nombreuses séquelles. Elle n'est peut être déjà plus là. Conclut Oli.
La jeune femme retourna s'asseoir sur le canapé, et se remit à fixer le vide. Il paraissait évident qu'elle en avait assez dit. Son mutisme était de retour, et Lemie allait devoir se contenter de cette brève discussion, qui l'avait tout de même éclairée sur la question.
Maintenant, elle savait pourquoi Oli s'était tant renfermée. L'idée de perdre sa seule amie lui était insupportable. Un contexte que Lemie ne pouvait réellement comprendre. Il lui était totalement impossible de se mettre à sa place. D'imaginer ne serait ce que le quart du déchirement que cela pouvait être pour elle. Mais ce qui troubla le plus la jeune femme, était d'autant plus le fait que, sans doute, personne ne se mettrait dans un état pareil le jour où, ce sera son heure qui sera venue. La simple perspective de n'être regrettée par qui que ce soit, fit l'effet d'une bombe dans l'esprit de Lemie.
Soudain, l'angoisse que tout ça lui causait l'empêcha de respirer. Elle sentit comme un poids s'abattre sur sa poitrine, prêt à tout écraser, jusqu'à la faire suffoquer. Son corps tremblant, sa respiration irrégulière, Lemie sentait qu'elle ne contrôlait plus aucune de ses émotions.
Elle quitta le salon pour aller s'allonger dans son lit, espérant retrouver un peu d'apaisement. Mais les heures parurent longues, interminables. Elle vacillait entre manque d'air et sanglots. Il était impossible qu'Oli n'ait rien entendu de tout cela. Pourtant, cette dernière ne vint à aucun moment de la nuit. Et c'est finalement d'épuisement, bien plus que de sérénité, que Lemie trouva enfin le sommeil, pour quelques heures.
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L'Appartement
Short Story"La solitude, autant qu'on peut la vouloir ou l'espérer, sonne comme un abandon quand elle s'éternise un peu trop".