A son réveil, Lemie eut le plaisir de profiter du silence. Une sensation qu'elle n'avait plus retrouvé depuis longtemps. Ce fut la première fois qu'elle se sentait enfin seule chez elle, elle qui en avait tant rêvé, sans avoir encore pu, une seule fois, vraiment y prétendre. Elle se prépara pour reprendre son travail, mais au moment d'empoigner son téléphone, elle constata avoir un message vocal de son patron. A l'écoute de celui ci, le visage de Lemie se liquéfiait. Il s'était passé un drame là bas. La société avait pris feu durant la nuit, et les locaux étaient devenus inutilisables. Il allait falloir du temps pour que les locaux soient remis en état, afin de les rendre à nouveau opérationnels. Cette fois, Lemie allait pouvoir penser à elle, plus longtemps qu'elle ne le désirait. Oli n'était plus dans le coin, et sa reprise du travail était reportée à une date inconnue, mais ultérieure.
Lemie put alors poursuivre ses vacances, sans vraiment le vouloir. Car si elle n'avait pas tellement envie de reprendre son activité professionnelle, être condamnée à la maison ne la réjouissait guère. L'avantage de ces lieux, étaient de ne pas les voir en permanence. Mais en devenir comme prisonnière n'allait pas, elle en était sûre, être bénéfique pour elle. Il fallait au contraire qu'elle puisse vivre normalement, pour se rappeler pourquoi elle était ici, pourquoi elle avait fait ce choix, et pourquoi elle avait tant besoin de cette solitude. Si cette dernière ne devenait plus que la seule composante à son quotidien, alors, c'est de la foule dont Lemie finirait par avoir besoin. A moins que sa meilleure option ne soit de se mettre une balle dans la tête, pour en finir, une bonne fois pour toute. Quoi qu'il en soit, Lemie n'avait pas le choix. Et elle le savait, c'est toujours le contraire de ce que l'on veut que l'on obtient.
Les heures passèrent ainsi, sans que la jeune femme ne réussisse à sortir ses pinceaux et sa peinture. Impossible pour elle de se mettre dans son projet, tant son esprit était parasyté par cette histoire d'incendie. Qu'avait il bien pu se passer ? Cela restait un mystère, et il était probable que cela le reste à tout jamais. Qu'à cela ne tienne, Lemie ne pouvait pas simplement attendre que le temps passe, et devait trouver le moyen de s'occuper, jusqu'à ce que l'inspiration lui vienne pour son projet. La télévision ne la tentait guère, pas plus qu'écouter de la musique. Sortir, encore moins, cela aurait été se confronter à tant de visages inconnus.
Soudain, Lemie se surpris à penser que si Oli était encore là, elle aurait eu une occupation, si agaçante et troublante soit elle. Mais la jeune femme n'était plus là, et n'avait laissé aucun numéro sur lequel la joindre, ce qui était bien normal, étant donné les conditions de leur "séparation" de la veille. Mais Lemie le savait, tant que la malle se trouverait dans la pièce, alors Oli ne serait jamais totalement loin, ou disparue.
Alors qu'elle pensait à tout ceci, le téléphone de la jeune femme se mit à sonner. Sur l'écran, Lemie put voir que c'était ses parents qui tentaient de la joindre. Voilà plusieurs jours que celle ci était installée, sans avoir reçu la moindre nouvelle de leur part. Il faut reconnaître qu'elle même n'en avait pas trop cherché. C'était certain, s'ils l'appelaient, c'est qu'ils avaient sans doute entendu parler de l'incendie au travail. La contacter seulement pour avoir des nouvelles ne faisait pas partie de leurs habitudes, et Lemie ne l'ignorait pas.
Afin de casser un peu de sa solitude, Lemie décida de répondre. Ce qu'elle n'a jamais fait de façon systématique. Au bout du fil, Lemie tomba sur sa mère. Cette dernière avait bien entendu parler de l'incident au travail de sa fille, et voulait en savoir plus, avant de semer l'angoisse dans son discours.
- Comment vas tu faire pour reprendre le travail ? Demanda sa mère.
- Pour le moment, c'est impossible.
- Et s'il ne répare pas, comment vas tu t'en sortir ?
- Ils vont le faire.
La mère de Lemie insistait lourdement sur tout ceci, sans même se rendre compte du caractère anxiogène de ses propos, comme toujours, ou presque. C'est alors que la jeune femme qui se tournait les pouces quelques minutes plus tôt, jusqu'à imaginer partager à nouveau sa vie avec Oli, fut reprise de son besoin irrépressible de solitude. Lemie le savait, on veut toujours le contraire de ce que l'on a. Pourtant, quand sa mère lui proposa de venir la voir, celle ci ne put refuser. Ce n'était pas l'envie qui lui manquait, mais elle ne voulait pas la blesser, même si elle, de son côté, ne se souciait pas vraiment de heurter sa progéniture.
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L'Appartement
Short Story"La solitude, autant qu'on peut la vouloir ou l'espérer, sonne comme un abandon quand elle s'éternise un peu trop".