Chapitre 4 :

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Il traversa les couloirs d'un pas vif, passa par son bureau afin d'attraper une cigarette et descendit ensuite rapidement. L'air frais s'insinua douloureusement dans ses poumons et il alluma le bâton de nicotine avec des mains tremblantes. Il n'arrivait pas vraiment à croire ce qui s'était passé. Durant un stage, un jour, une femme s'était jetée sur lui, et mis à part le choc, il n'avait pas été si surpris, mais Tom n'avait même pas attendu d'être touché pour le faire alors ça l'intriguait. Et puis il avait carrément manqué de le tuer. Son coeur battait encore comme un fou. Il lui fallait juste le temps de réaliser.

Au final, il se demandait si Tom n'était pas comme ces gens qui se voyaient hors de leur corps, en simple spectateurs de leur vie, de ce qu'ils subissaient. C'était peut-être pour cette raison qu'il ne réagissait presque jamais. Il était juste ailleurs. Dans un monde où sa vie n'était pas celle-là. Il vivait là où ses souvenirs n'étaient pas.
Dans tous les cas, il ne savait rien d'autre que la mort de sa famille. Il ne savait ni comment c'était arrivé, ni comment il avait vécu avant ça. Rien n'était indiqué parce que personne n'avait cherché et il n'avait jamais parlé.

Une fois sa cigarette terminée, il se dépêcha de remonter, se concentrant sur d'autres patients, d'autres problèmes, d'autres pathologies. Il alla tout d'abord rendre visite au jeune garçon arrivé quelques jours plus tôt pour cette histoire de tocs. Sans grande surprise, il le retrouva en train de compter. Les yeux rivés sur le plafond, il comptait le nombre de dalles ternes et grisâtres que contenait celui-ci. Bill décida de le laisser finir afin de ne pas le perturber, s'asseyant alors dans le fauteuil en attendant. Il l'observa se perdre. Une fois, deux fois. Ne pas réussir jusqu'au bout l'angoissait et Bill savait parfaitement qu'il ne s'arrêterait pas tant qu'il n'aurait pas fini.
Durant tout ce temps, le silence domina la pièce. Son patient, Sacha, comptait mentalement, alors aucun bruit ne sortait de sa bouche. Bill savait qu'il se perdait au milieu des dalles identiques chaque fois que ses mains tremblaient et se refermaient en poings serrés. Les traits de son visage se crispaient de nervosité et d'angoisse. Cette obsession le rongeait et c'était ce dont Bill devait s'occuper.

Il fallut de longues, très longues minutes, avant que le jeune garçon n'accorde son attention à son médecin. Visiblement rassuré par sa présence, il lui adressa un petit sourire et Bill ne se priva pas de le lui rendre.

« Comment te sens-tu ? »

« Ça va, je commence à m'y faire. » ; Bill acquiesça en sachant qu'il parlait de la chambre. Il avait dû en examiner chaque recoin, compter tout et n'importe quoi et bien s'angoisser avant d'enfin se sentir familier avec ce qui l'entourait.

« Gabriel t'a bien donné ton traitement ? » ; le garçon confirma. « Bien. Au bout du huitième jour, je devrais en changer un, mais je te le rappellerais et te l'expliquerais, d'accord ? »

« D'accord. »

« Pourquoi tu t'es frotté les mains jusqu'à ce qu'elles soient rouges ? » ; lui demanda-t-il ensuite. Sacha baissa le regard vers ses mains irritées à force d'avoir été trop lavées et frottées sous l'eau.

« J'avais l'impression qu'elles étaient toujours sales. »

« Pourquoi ? » ; le jeune tourna un regard confus vers lui. « Pourquoi elles t'ont paru si sales ? »

« Je pensais... » ; répondit-il sans pour autant développer.

« Et tu crois que te laver les mains effacera tes pensées ? »

« Non ! » ; Bill plissa les yeux, sachant que ça l'ennuyait mais qu'il ne pouvait pas aller contre. « Je sais que c'est inutile, mais si je le fais pas je... je ne peux pas. »

Chambre 248.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant