Suite - chapitre 8 :

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Pour en rajouter à son malheur, les visites de l'assistante sociale de Léo s'enchaînèrent durant cette période. L'enfant les acceptait plus ou moins selon son humeur, mais ces visites avaient suffi pour monter son dossier, son profil, et surtout enclencher le processus. À présent et avec l'accord médical, elle lui cherchait bel et bien une famille d'accueil. La mère n'était pas réapparue depuis et ne répondait quasiment jamais à l'assistante qui pourtant tentait de la joindre toutes les semaines. Bill était sur les nerfs à chaque fois qu'elle venait, priant mentalement et égoïstement pour qu'elle ne lui annonce pas qu'elle avait trouvé. Ça pouvait prendre des mois comme très peu de temps, mais elle lui avait quand même promis qu'elle les ferait venir ici, pour le rencontrer et surtout annoncer les choses à Léo en douceur. Bill se doutait qu'il comprendrait aussitôt qu'il les verrait. Petit, mais pas idiot. Il craignait sa réaction tout comme il espérait qu'il refuse, même si c'était con et inutile. Léo finirait par être obligé de partir alors se bercer d'illusions ne ferait que retarder sa déception.

Toutes ces choses, son départ imminent, la mort de Léon approchant toujours un peu plus chaque jour, rendaient l'atmosphère lourde. Bill n'était pas le seul à en avoir pris un coup, mais ça n'aidait en rien. Le renvoi définitif de Marta ne le consolait même pas.

Assis là, en plein milieu de la salle commune, son subconscient l'éloignait du brouhaha incessant et de la présence des autres. Il observait, surveillait, et c'était automatique. Heureusement, en dehors de ça, il y avait aussi de beaux progrès. Julia mangeait. Doucement, mais sûrement. Bill refusait de la forcer à se gaver pour prendre du poids. Il lui avait bien expliqué que pour sortir vite, les malades mangeaient et mangeaient, trop, tout et n'importe quoi, s'empiffraient jusqu'à écœurement juste pour sortir le plus vite possible. Il lui avait dit que si elle préférait y aller en douceur, ça prendrait plus de temps mais que ça marcherait tout aussi bien. Le but était de réussir à changer sa vision des choses et d'avoir des progrès réguliers, pas de se gaver pour sortir et replonger tout de suite. Julia l'écoutait et semblait motivée à guérir malgré sa répulsion toujours présente pour la nourriture, alors c'était une bonne chose.

« Hé, Bill ! » ; arraché à ses pensées, l'androgyne sursauta et tourna vivement la tête.

« Quoi ?! »

« Tu m'écoutes ? » ; lui demanda Gabriel. Bill ne l'avait ni vu ni entendu s'asseoir à ses côtés.

« Euh... » ; son ami pencha la tête d'un air ennuyé. « Désolé, j'essaie de mettre de l'ordre dans mes pensées. »

« De l'extérieur et si je fais abstraction de tes moments d'absence, tu t'en sors plutôt bien. Tu aides Léon au maximum, tu vas lui parler alors qu'il répond presque plus et même pour moi c'est dur. On est une petite famille, c'est forcément plus dur que quand nous ne nous attachons pas. » ; le blond l'écouta tout en réfléchissant à cette histoire de "famille". C'était vrai. Pas avec tous les patients, mais avec quelques-uns. Il se formait un lien si naturellement que c'en était déroutant.

« J'essaie de détourner son attention de la situation. Combien de fois nous a-t-il raconté des histoires ? C'est à nous de le faire maintenant. »

« T'as raison. » ; Bill acquiesça distraitement. La vérité, c'était qu'il y allait très souvent dans la journée de peur qu'il ait trouvé quelqu'un pour l'aider à mourir.

« Je sais qu'on peut pas faire grand chose. »

« Et tu trouves ça insupportable. » ; Bill soupira, tournant à nouveau la tête pour observer ce qui se passait dans la salle. « Et Léo ? Comment ça se passe ? »

Chambre 248.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant