Enfin, après une lutte acharnée, la direction ayant accepté de l'écouter, Bill réussit à les convaincre d'améliorer la sécurité de l'endroit. Ça allait commencer par des fenêtres sécurisées, et partout cette fois. Bill était conscient que ça coûtait beaucoup d'argent et que l'hôpital en manquait, mais il les avait convaincus que c'était nécessaire et ils avaient abdiqué. Une petite victoire, mais une victoire quand même.
« Bill ! » ; une urgence. L'androgyne le sut juste à l'intonation. Il abandonna alors ses dossiers et traversa le couloir, suivant l'infirmier en courant.
Jazzy faisait une crise. Une crise de colère, apparemment. Bill mit du temps à comprendre ce qui se passait alors qu'elle remuait et insultait quiconque l'approchait. Vu la façon dont son corps tremblait et transpirait, il n'y avait pas trente-six options. Il se demanda vraiment comment les parents ne pouvaient rien voir ni comment ça avait pu arriver à une gamine de douze ans.
« Laissez-nous. » ; ordonna-t-il aux infirmiers qui ne faisaient que tourner en rond. Les deux hommes obéirent, refermant la porte derrière eux. Bill avança. Jazzy s'était tue en l'entendant et le regardait avec de grands yeux méfiants. Visiblement, elle comprit qu'il savait, puisqu'elle eut l'air anxieuse. Bill alla se poser dans le fauteuil, se penchant en avant et appuyant ses coudes contre ses genoux tout en la regardant. « Depuis quand ? » ; demanda-t-il d'abord. Jazzy fronça les sourcils.
« Quoi ?! »
« Depuis quand tu te drogues ? » ; un éclair de panique traversa les yeux de la gamine. Ou était-ce du soulagement ? Peut-être un peu des deux.
« Qui a dit que je... »
« Je ne vais ni te juger ni te sermonner. » ; coupa-t-il avant de devoir écouter ses mensonges. « Nous allons te sevrer de force et j'aimerais juste savoir où tu en es pour t'accompagner le mieux possible. » ; la jeune fille lui lança un regard noir, cernée entre la colère, la défensive et la peur. « Je ne crois pas que tu sois tombée là-dedans par hasard, mais je doute que tu acceptes de parler pour l'instant alors... »
« Je veux rentrer chez moi ! » ; s'exclama Jazzy en recommençant à s'agiter. La panique de devoir rester ici, de comprendre qu'elle ne partirait pas tant qu'elle ne parlerait pas.
« Je suis désolé mais tu vas devoir attendre, tu dois d'abord décrocher. » ; lui expliqua-t-il doucement. Il ravala un -regarde-toi- qui aurait blessé ou énervé l'enfant. Mais c'était vrai. Elle était maigre, mal en point, des cernes impressionnants et sombres gâchaient ses yeux clairs, sa peau était translucide et par-dessus tout, elle était accroc à la drogue à douze ans ! Ça le rendait dingue d'y penser. « Tu n'as jamais été sevrée ? » ; elle secoua la tête sous les yeux inquiets du médecin. « Et est-ce que t'en prends depuis longtemps ? Tu peux m'en dire plus ? »
« Je veux rentrer. » ; répéta-t-elle d'une voix enrouée. Son front était transpirant, quelques mèches allaient s'y coller et Bill décida de filer chercher un tissu humide plutôt que lui répondre qu'elle ne pouvait pas. Il revint rapidement avec, et le déposa doucement contre son front trempé, prenant conscience que son cou, ses bras et pratiquement tout son corps brillait d'une fine couche de sueur.
« Je vais te donner quelque chose, mais ce sera douloureux quand même, et éprouvant psychologiquement. » ; l'informa-t-il en prenant soin de rafraîchir sa peau avec des gestes doux. Au moins, elle se laissait faire. « J'espère vraiment que ce sera supportable pour toi. »
Jazzy soupira et se laissa aller contre son oreiller, se repliant en une petite boule tremblante et frissonnante. Bill eut de la peine de voir une enfant dans cet état. Il était clair que ça cachait quelque chose de pire.
