Chapitre 7 :

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  La matinée fut longue. Entre crises, épidémie, lutte avec la direction. Bill dut courir partout en gardant l'impression que le temps ne passait pas. Léo, Sacha et trois autres patients du même étage avaient tous chopé le même virus. Fièvre, courbatures, nausées. Bill avait dû passer quasiment une heure à calmer Sacha que les vomissements, microbes et autres saletés avaient rendu dingue.
Suite à ça, il s'était battu contre sa patronne pour améliorer les choses. Il voulait plus de libertés pour eux. Plus d'activités ou de moments de détente. Après de longues minutes à batailler parce que l'hôpital "n'avait pas le budget adapté", il avait obtenu de nouveaux bouquins, magazines, transats et quelques tables et chaises en plastique à installer dans le parc. Et des fleurs aussi. Plus de fleurs. Il se doutait qu'il l'agaçait mais s'en fichait un peu. Elle finissait toujours par lui accorder quelque chose pour très certainement avoir la paix, mais c'était quelque chose quand même. Il avait même obtenu l'autorisation de faire un petit goûter dehors une fois par semaine. Il avait déjà pleins d'idées pour tout ça. S'il y avait une chose qu'il voulait absolument éviter, c'était qu'ils se sentent enfermés, déprimés, surtout infantilisés. Bien sûr, pour certains patients qui devaient être aidés pour tout, c'était plus ou moins obligatoire, mais Bill pensait toujours qu'il ne voudrait jamais qu'on le traite de cette façon et préférait s'abstenir.

À midi, il alla vérifier que Julia mangeait. Tout comme pour Tom, il lui avait établi des repas légers et bien moins conséquents qu'à la normale. Au fil du temps et si elle continuait à manger doucement, il pourrait augmenter les quantités, petit à petit, tout en essayant de lui faire reprendre force, équilibre, vitamines et tout ce qui fallait d'autre pour être en bonne santé.
Bill savait qu'il était le premier à ne pas manger ce qu'il devrait manger, mais lui, au moins, il mangeait. C'était une façon de se convaincre en tout cas.

Lorsqu'il entra, Julia se mit à sourire. Il le lui rendit très vite et avança, jetant un oeil au plateau de repas qui trônait devant elle.

« Comment ça va aujourd'hui ? »

« Bien. » ; lui répondit distraitement l'adolescente. « Vous allez me faire un scandale si je mange les haricots mais que je garde la pomme pour plus tard ? »

« Ça dépend. Tu es censée avoir autre chose pour le goûter. Est-ce que tu vas manger les deux ? » ; Julia fit la grimace. « As-tu petit-déjeuner ? »

« Oui, j'ai pris un thé et une clémentine. »

« Ok, mange tes haricots, après on verra. » ; soupira le blond. Il alla ouvrir pour aérer, puis revint près du lit, surveillant distraitement la jeune fille qui avalait ses haricots avec une certaine retenue. Le dégoût qu'elle éprouvait pour la nourriture n'avait pas disparu. Elle se forçait, Bill le savait, mais elle progressait tout doucement et c'était déjà bien. « Tu n'as pas mal ? »

Julia haussa une épaule. Techniquement, son corps était faible, épuisé, et devait réagir à cette soudaine présence de nourriture. Pas forcément de façon agréable, mais il y réagissait.

« J'ai peur de passer ma vie à culpabiliser pour ce que je mange. »

Bill reposa les yeux sur elle en l'entendant, intéressé.

« Pourquoi ? »

« Parce que manger ne me fait pas me sentir mieux. Je le fais pour guérir, mais je veux pas être plus grosse. »

« Est-ce que tu te sens bien comme tu es ? » ; lui demanda le médecin en s'asseyant finalement.

« Non. » ; il la regarda trier le peu de nourriture dans son assiette, réfléchissant. Il était clair que l'anorexie était plus qu'une crise d'adolescence et que ça pouvait la suivre durant toute sa vie.

Chambre 248.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant