L'infirmière eut l'air de réfléchir, de se souvenir qu'il était son supérieur malgré son âge, et Bill croisa les bras en attendant qu'elle se décide. Faire le malin ne l'intéressait pas, mais il voulait être respecté, et surtout : être entouré d'une équipe motivée et compétente.
« D'accord, je vais vous trouver quelqu'un. »
« Parfait. » ; elle s'éclipsa avant qu'il ne puisse ajouter quoique ce soit, et Bill soupira légèrement lorsque la porte se referma. Commencer par faire la loi l'ennuyait franchement, le boulot n'était-il pas plus urgent ?
Tout en essayant de se remotiver, il attrapa bloc-notes et stylo, et sortit de son bureau. Il avait hâte. Bien que ce soit difficile, il adorait. Cet environnement le fascinait.
Dans les couloirs, il croisa toutes sortes de personnes. Des infirmiers, bien sûr, des familles, et surtout des patients. Il croisa une adolescente, maigre, très maigre, aux longs cheveux blonds et au teint translucide et assez inquiétant. Un genre de cas courant, même si toujours différent selon l'histoire des personnes. Voir des filles aussi jeunes en dépression ou en très mauvaise santé lui donnait régulièrement envie de passer des coups de gueule : parce qu'une autre personne était toujours la cause de cette descente aux enfers. Chagrin d'amour, harcèlement, viol, violences physiques ou morales, et puis la société imposant l'image irréelle d'une beauté qui conduisait certaines d'entre elles à s'affamer et se détruire moralement.
Plongé dans ses pensées, il adressa un léger sourire aux quelques personnes qu'il croisa, puis manqua de heurter l'infirmière à qui il avait eu affaire quelques minutes plus tôt et qui d'ailleurs était accompagnée d'un infirmier beaucoup plus jeune. Visiblement plus heureux qu'elle, il commença par sourire à Bill et lui tendit une main en se présentant.
« Bonjour, je suis Gabriel. » ; le médecin serra la main du jeune homme en lui rendant son sourire et fut satisfait par son enthousiasme.
« Je suis Bill, content de vous rencontrer. »
« Moi aussi, alors, ça vous plaît ici ? » ; Bill jeta un coup d'oeil autour de lui et ne trouva pas de réponse appropriée.
« Je dois dire que j'ai pas vraiment eu l'occasion de m'en faire une idée, justement, j'aimerais visiter et rencontrer mes patients. » ; Gabriel eut l'air surpris, presque autant que l'autre femme. Bill ne comprit pas pourquoi.
« Oh, bien, je peux vous faire faire le tour, si vous voulez. »
Enfin ! Bill acquiesça, satisfait qu'on l'écoute, puis suivit l'infirmier qui lui fit signe d'avancer dans le couloir.
« Je peux vous poser une question ? » ; demanda-t-il au jeune homme qui lui accorda. « Pourquoi ça vous étonne autant que je veuille rencontrer tout le monde ? »
« Parce que Mr P... hum, je veux dire l'ancien médecin... ne passait jamais dans les chambres. »
« Jamais ? » ; les yeux du blond s'agrandirent. « Non, vous me faîtes marcher là... jamais comme jamais ? » ; Gabriel hocha vivement la tête en réponse. « Mais comment pouvait-il les diagnostiquer ? Les soigner ? Suivre leur progression ? »
« Il les diagnostiquait au début, puis suivait tout de son bureau. Il avait une petite routine et nous gérions la plupart du temps les crises, les changements... je lui rapportais ce qui se passait au début, pour qu'il essaie d'améliorer les choses, vous voyez ? » ; Bill acquiesça à son tour, alors qu'ils avançaient toujours. «Mais je me suis vite rendu compte qu'il n'aimait pas qu'on chamboule sa routine, il n'agissait pas en conséquence et il valait mieux pour les patients que nous gérions nous-même tous leurs petits problèmes. »
