Chapitre 2

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                         -Eh bien eh bien, on dirait que quelqu'un a vu ce qu'il n'aurait pas dû voir, n'est-ce pas ?

Son souffle me chatouilla l'oreille et agit comme un électrochoc. Mon coude frappe son plexus tandis que ma main se libéra pour frapper son nez. Merci la méthode PONG*. Le gars gémit de douleur et moi avec : j'aurais dû retirer cette foutue bague. L'autre se précipita vers moi, ses yeux scintillant presque dans le noir, et tenta de me frapper mais je l'esquivai de justesse et lançai ma main à nouveau. Un hurlement sonore suivit le contact de ma main avec sa joue. J'en sursautai presque. Je ne pensais pas avoir frappé si fort. Mais voilà qu'il était à genoux, se tenant le visage à deux mains. 

Je jetai un bref coup d'oeil : la meilleure solution était de continuer mon chemin et de me planquer après. Je m'élançai alors, mon coeur faisant un excès de vitesse digne des plus belles amendes. Mon regard fut cependant attiré par une masse sombre, à quelques mètres. Visiblement il s'agissait de la victime, qui était bien amochée. Son visage était en sang et je n'osai imaginer pendant combien de temps elle avait subi cela. Mon cerveau s'agita et m'incita à courir chercher du secours et à revenir.

 Soudain je réprimai un haut-le-coeur. Un gamin. Il s'agissait d'un adolescent tout au plus. Je ne pouvais pas l'abandonner,  ils le tueraient. Je jurai intérieurement et, après ce qui se révéla être un millième de seconde d'hésitation, je passai mon bras sous son épaule. Son poids ne me ralentirait pas trop mais il fallait que je trouve une planque, et vite.

-Allez ma vieille, réfléchis ...

Je mordis mes lèvres et me précipitai quelques rues plus loin, jusqu'à un recoin sombre. Je ne savais pas si les deux autres nous avaient suivi, mais je priai très fort pour le contraire tout en tendant l'oreille. Rien à l'horizon. Je profitai de cet instant de répit pour poser mon fardeau le plus délicatement possible et l'ausculter. Bon sang, j'espérais qu'il n'était pas mort. Mes doigts trouvèrent un battement contre sa carotide, ce qui me fit pousser un soupir de soulagement. Il était en vie.

-Bon gamin, je sais pas si tu m'entends, mais on va sortir très vite d'ici d'accord ? C'est juste le temps de quelques minutes. Ensuite je t'emmènerai à l'hôpital.

Je l'entendis souffler avec peine et fronçai les sourcils. Je compris qu'il souhaitait parler et rapprochai mon oreille de sa bouche.

-Non, pas l'hôpital ...

Et dire que je pensais que ma journée n'aurait pas pu être pire.

**

          Le soleil se levait péniblement tandis que j'étouffais un bâillement. Je n'avais pas fermé l'oeil de la nuit pour veiller le petit. J'avais attendu ce qui m'avait semblé être des heures dans la ruelle. Et pendant tout ce temps je priais pour que le blessé ne me clamse pas dans les bras. Dès que j'avais pu, je m'étais précipitée chez moi. J'avais placé le gamin avec douceur sur mon canapé lit et avais retourné les placards à la recherche d'herbes spéciales, les mains tremblantes. Cela faisait un moment que je n'avais pas soigné quelqu'un et je dois dire que recommencer avec des blessures de ce niveau-là ne m'avait guère enchantée. Je me refusais à avoir la mort de ce gosse sur la conscience.

-Allez Ivy, courage. Et vous deux, cessez de trembler ! avais-je grogné avant de m'atteler à ma tâche.

Après plusieurs heures de concentration et d'essai j'avais réussi à apaiser le gamin qui s'était endormi. Mais je m'étais refusée à faire de même, de peur qu'il ne fasse une rechute.

L'aube présentait différentes nuances orangées désormais, et le gamin respirait calmement. J'avais eu la surprise de constater que ses hématomes s'effaçaient au fur et à mesure de la nuit, tout comme la côte que j'avais ressoudée tant bien que mal s'était replacée comme par magie. Et même si la façon dont je l'avais soigné n'était pas naturelle et s'était révélée assez efficace à mon grand soulagement, la façon dont il avait guéri ne l'était pas non plus.

-Toi et moi, on va devoir avoir une sérieuse discussion à ton réveil.

Le gamin ne me répondit pas, complètement endormi, et je soupirai. Au fur et à mesure de sa guérison son visage avait repris des couleurs et j'avais pu observer à quoi il ressemblait avant de se faire passer à tabac. Des mèches brunes lui tombaient légèrement sur le front, sa peau était halée et ses traits plutôt fins. Je ne m'étais pas trompée en estimant son âge : il ne devait pas avoir plus de treize ans. « Si jeune, et battu sans un remord ». Si j'attrapais ces deux gars ... Bon, d'accord, s'ils m'attrapaient j'allais passer un sale quart d'heure. Heureusement la ruelle était plutôt sombre. Il y avait peu de chances qu'ils me reconnaissent ou que je puisse le faire d'ailleurs. Mais qu'est-ce qui avait bien pu les pousser à lui faire ça ?

Je me tournai vers la cuisine en soupirant et eus du mal à ne pas lâcher un plus gros soupir encore. Mon appartement était sans dessus dessous. J'avais littéralement retourné les tiroirs pour trouver les ingrédients qu'il me fallait. Bon, je rangerai plus tard.

Le gamin geignit et je me précipitais vers lui, portant ma main à son front. Il n'avait pas de fièvre mais s'agitait un peu, ressentant encore certaines douleurs.

-Chut, tout va bien d'accord ? Tout va bien se passer. Tu es en sécurité.

A travers mes mots j'usais d'un peu de mes forces pour le soulager. Quelques fourmis me chatouillèrent le bout des doigts avant que le gosse ne finisse par s'apaiser. Je remontai alors la couverture que j'avais placée sur lui et m'affaissai sur le tapis, contre le canapé. Toute cette histoire m'avait épuisée. J'avais bien besoin d'un somme et le petit ne risquait sans doute plus rien. Je baillais à nouveau et me laissai doucement glisser vers le sommeil.

Ce fut le grincement de la porte d'entrée qui me réveilla presque en sursaut. Je fronçai les sourcils et levai la tête vers le canapé. Vide. Je me relevai d'un bond, me cognant l'orteil dans la table basse au passage. Ce fut les yeux brillants de larmes et en claudiquant que j'atteignis la cage d'escalier.

-Eh petit, attends !

Pas une ombre, pas un bruit. Il était parti.

-Gamin ingrat, je grommelai.

Et je claquai ma porte. 

**********

Bon, pour l'instant on n'a pas encore beaucoup d'infos, j'en suis bien consciente ^^ un autre chapitre  ne devrait pas tarder pour placer un peu plus le contexte et les personnages :) 

*la méthode PONG : Pied, Orteil, Nez, Gonades ... un petit clin d'oeil à Sandra Bullock et à Miss détective 

Sang de loupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant