Sang de loup

Chapitre 24

                         Les toilettes du magasin étaient vides. J'avais vérifié plusieurs en faisant le tour. Certes, ce n'était pas le lieu de rendez-vous le plus glamour, mais c'était de loin le plus sûr. Et personne ne devait entendre ce qui serait dit. Située en zone neutre à l'extérieur de la ville, la galerie marchande n'était pas susceptible de subir une attaque. J'étais plus ou moins en sécurité et il y avait peu de chances que des loups-garous aient connaissance de ce petit rendez-vous. Ce qui, bien entendu, était essentiel. 

Je faisais des allers et retours devant le grand miroir, incapable de rester en place. Bien sûr, je devais être prête à m'enfuir si les choses tournaient mal. Mais ce n'était pas la raison de mon agitation. Non, d'autres choses m'inquiétaient. La réaction de Blake notamment, étant donné que j'avais enfreint ses ordres. 

Encore une fois. 

Mais si j'obtenais la réponse attendue, avec un peu de chance, il aurait une réaction des plus mesurées. 

Bien sûr. Et il neigeait en enfer. 

J'avais intérêt à rentrer vêtue d'un gilet pare-balles. Voire à ne pas rentrer du tout. 

-Bon sang Ivy, je m'admonestai, depuis quand te soucies-tu de l'avis de cet abruti ? 

Le plus important à cet instant ce n'était pas la réaction de l'alpha. J'étais là pour empêcher une guerre, moi ! Bon, je ne l'avais pas vraiment décidé et on pouvait dire que les gamins m'avaient forcé la main. Mais maintenant que j'étais dans cette histoire jusqu'au cou, autant essayer d'améliorer les choses. J'étais bien décidée à tuer ce conflit dans l'oeuf et protéger Nathan par la même occasion. Rien d'autre n'importait. 

Pas même le fait que Blake va me transformer en chair à pâté. 

Nathan avait essayé de m'empêcher d'agir. Il avait retourné le problème dans tous les sens, avait dit qu'il craignait pour ma sécurité ... Mais au final, la logique de mes arguments l'avait vaincu. Il s'était donc rallié à ma cause avec une grimace. 

"J'espère que tu sais ce que tu fais, Ivy" m'avait-il dit. 

Ce qui, en soit, était hypocrite car c'était bel et bien à cause de lui que j'étais au coeur de l'intrigue. Mais le lien qui nous unissait n'avait rien de logique et nous amenait parfois à avoir des comportements irrationnels. Je comprenais son dilemme : d'un côté je pouvais l'aider mais de l'autre il avait peur pour moi. Après tout, je tenais nos vies entre mes mains. 

Pas de pression bien sûr. 

La porte des toilettes pour femmes s'ouvrit, m'arrachant à mes pensées, et je me tendis immédiatement. Mes épaules se relâchèrent imperceptiblement à la vue de la jeune fille blonde. Elle poussa le verrou et s'avança vers moi en plissant le nez. Effectivement, les toilettes publiques ne devaient pas être l'endroit le plus agréable pour une personne à l'odorat surdéveloppé. 

-Blissity.

Je la saluai d'un petit geste de la tête, les bras croisés. Certes, elle m'avait aidée. Mais ce n'était pas par bonté de coeur : elle avait besoin de moi. Je ne la connaissais pas assez pour lui offrir une confiance aveugle. Après tout, sa meute me désirait bel et bien morte et enterrée. C'était bien pour ça que j'avais acheté un joli coupe-papier en argent avant de venir ici. Evidemment je me reposais plus sur sa matière que sur son tranchant. Je ne comptais pas tuer quelqu'un avec. Mais il s'agissait néanmoins d'un moyen de défense, et cela me rassurait considérablement.

« Dis-moi, qu'est-ce que ça fait d'être impuissante ? »

Je me tendis en repensant aux paroles d'Erik, qui m'avait considérablement marquée. Dans tous les sens du terme.