Chapitre 33

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Je fut prise d'une violente sensation d'étouffement, dû à la touffeur accablante de l'endroit dans lequel mon ravisseur nous avait emporté, et mon estomac se souleva à l'odeur de remugle imprégnant les lieux. Je tentais d'identifier mon environnement mais la dense opacité ne me le permit pas. Pas plus qu'elle ne me permis de localiser la provenance de la voix qui s'éleva, se répercutant sur les parois de ce qui m'apparu comme étant une grotte exiguë et me donna la chair de poule tant elle était rauque et désincarnée.

-Alors voici la catin qui va me permettre de mettre à genoux cet usurpateur qui siège sur mon trône.

La lenteur de sa phraséologie et la précaution à former chacun de ses mot donnaient une impression de pesanteur maladive à cette voix. Une vive lumière creva les ténèbres sur ma gauche, éclairant la créature qui m'avait amené ici et qui avait repris sa forme démoniaque. La torche fixée à même la surface rocheuse, dont la clarté m'avait d'abord éblouie, révélait désormais d'avantage de détails sur mon lieu de réclusion et sur mon kidnappeur bicéphale qui m'adressa un sourire plus inquiétant encore que lorsqu'il l'avait fait au night-club. Je voulu reculer mais butais presque immédiatement contre la paroi opposée et coupante contre laquelle je me râpais les paumes. Partout où se posait mon regard je ne voyais que roches rugueuse et, là où ne parvenait pas à éclairer les flammes, de profondes noirceurs grouillantes. Le démon au sourire double et venimeux parti d'un rire dément et malsain.

-Silence.

Le sifflement perfide provenait de ma droite, enrobée d'ombres.

-Oui, maître.

Le démon cessa même de sourire et courba la tête, un genou à terre. Je tournais la mienne dans la direction du dit maître dont les contours m'apparaissaient peu à peu alors qu'il avançait lentement dans la lumière à l'orée de laquelle il s'arrêta.

-C'est vous qui cherchez à prendre le pouvoir à Hadès. Vous êtes le chef des insurgés.

Sa voix lorsqu'il parla était un éboulis de cailloux contre du basalte et ses propos d'une malfaisance pure.

-Et toi sa putain humaine que je vais m'empresser de lui renvoyer déchirée et aussi esquintée qu'il soit possible de le faire sans tuer, sans âme et sans membres, juste un tronc de chaires sanglantes et à vifs qu'il lui sera obligé d'achever. À moins qu'il te garde pour te baiser, ma foi une fois sa langue coupée, une femelle est beaucoup plus docile. Un simple trou ou fourrer sa queue, voilà à quoi ça sert.

J'avais le cur au bord des lèvres. Cet être abject était épouvantable.

-Vous êtes malade.

Il parti d'un rire vil qui se transforma rapidement en râle souffreteux et écoeurant.

-Ce n'est pas moi qui rêve de baisser une humaine depuis qu'elle est enfant.

Salaud. Jamais Hadès n'avait nourrit de si bas instincts à mon égard lorsque j'étais enfant, il n'avait rien d'un monstre pédophile. Ce n'était que récemment que ses sentiments pour moi avaient évolué. Tout comme les miens.
Je m'apprêtais à lui renvoyer son venin à la figure quand une voix que je connaissais bien me devança.

-Vous m'avez convoqué ?

Que...?

-Oh Tach, regarde ce que Kregor m'a rapporté.

Tach dont l'épaule n'était plus occupée par Matheus tourna vers moi un regard froid et indifférent qui me fit frissonner. Dire que je l'avais cru au service d'Hadès, je m'étais lourdement trompée.
Le démon se tourna vers son confrère à qui il distribua une volée de coups de poings dont la violence inopinée me fit sursauter. Une fois ses deux faces détruites par la pluie de coups qu'avait administré Tach, le corps flasque du démon s'effondra à terre sur le sol graveleux de la caverne dans un nuage de poussière et un bruit sourd. Sous l'il moqueur de son chef Tach s'avança vers moi qui tremblais à présent d'être la prochaine à subir pareil châtiment. Sans rien dire il me saisit à la gorge et me souleva de terre, bloquant ma respiration, tirant douloureusement par mon cou le poids de mon corps.

-Allons, allons Tach. Ne montre pas trop d'empressement à la tuer. Je veux d'abord la faire souffrir, et qu'il le ressente. Qu'il sache qu'il est impuissant à la sauver. Qu'il n'y a qu'un être tout puissant en ce bas monde, moi. Enfermes la.

-À vos ordres.

Sans me reposer il m'entraîna dans le fond de la grotte, toujours plus loin dans l'obscurité et après quelques minutes de marche me jeta à terre dans une geôle empestant la crasse et la putréfaction. En levant les yeux pour chercher sa silhouette, en pure perte dans ce noir d'encre, je distinguais deux points luminescents flottant seuls dans le néant. Ses yeux.

-Pourquoi fais-tu ça, Tach ?

Les deux sphères s'incurvèrent en demi-lunes, soit parce qu'il fronçait les sourcils, soit parce qu'il souriait.

-Parce qu'il me doit des siècles de souffrance.

Je secouais la tête sachant que si, moi, je ne le voyais pas il n'en allait pas de même pour lui.

-Hadès n'est pas...

Tach me coupa d'une voix tranchante, bouillante de colère masquant une douleur qui m'était étrangère.

-C'est la créature la plus vile qu'est vomit le néant. Il ne vit que de barbarie, supprime les démons qui en savent trop sur lui. C'est une bête sanguinaire qui se délecte des suppliques de ses victimes qu'il prend plaisir à asservir et de rendre fou le plus noble des esprits. J'ai retrouvé mes parents calcinés au point que toute guérison leur soit impossible à l'état physique et tant meurtris dans leur âme que les laisser vivre aurait été un acte plus terrible encore que ce qu'ils avaient subis. Mais pour que cet être damné puisse prendre davantage de plaisir à voir la douleur chez les misérables vermines que nous sommes il avait laissé mes parents en vie pour que je porte moi même le coup fatal.

Un silence tenu suivi cet effroyable souvenir. J'avais du mal à acheminer l'air jusqu'à mes poumons. Je refusais de croire ça. Certes nous étions en guerre mais Hadès ne m'apparaissait pas d'une telle cruauté.

-J'avais 13 ans, un âge charnière paraît-il, quand cet événement a apposé sur mon âme une marque si noire qu'aucune lumière ne peut y être projetée. Les ténèbres formées par le meurtre de mes propres parents aspirent toute lumière qui s'en approche et l'étouffe en elles.

Ses pas s'éloignant peu à peu furent l'unique chose à m'indiquer son départ. Laissée seule dans l'obscurité total, entourée de les dieux seuls savaient quoi, un bruit de goute à goute incessant rythmant les écarts de silence entre chaque, je me sentais assaillie de doutes. Les souvenirs de Tach était monstrueux de cruauté mais je ne pouvais pas croire un seul instant qu'ils étaient l'uvre du roi qui partageait son temps entre doléances et affaires régaliennes, qui protégeait ses gens au mépris de son propre péril. Il ne pouvait s'agir du même démon qui avait choisi de protéger une enfant, de se lier à elle comme à personne d'autre, de lui donner accès à son cur plus qu'à tout autre. Non, je refusais de le croire.

The King of the UnderworldOù les histoires vivent. Découvrez maintenant