Chapitre 41

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Peu de gens le savaient, mais il existait un autre endroit plus profondément enfouis dans les entrailles des enfers. Au-delà du territoire de Noyhrceur. L'entrées dissimulée dans les ombres n'était accessible qu'au souverain ou à une autre ombre. Ce que j'étais et qui conférait à ma position de bras droit une logique immuable. Je venais de quitter mon seigneur dont les forces déclinantes faisaient que chaque secondes comptaient. Et que rien n'était plus important que ma mission, pas même les risques encourus par quiconque assez fou pour s'aventurer dans ce qu'on nommait tout bas La dernière demeure. Je rechignais à requérir l'aide... non les faveurs, car cette aide ne serai pas offerte gracieusement, de son occupant mais c'était une question de vie ou de mort. Et il se trouvait que, bien que l'on associé le domaine sépulcral à mon seigneur, il était là prérogative d'une tout autre personne. Une personne que l'on aimait avoir dans son camp ou du moins ne pas se mettre à dos. J'était près à tout pour que me soit accordée ma requête et son isolement promettait de soit jouer en ma défaveur, car il vivait de rien et semblait parfaitement s'en contenter, soit justement de m'allouer la possibilité de lui faire miroiter les choses auxquelles il se restreint. J'espérais que cette dernière option serai la bonne.

Je naviguais dans le néant noir formant des illusions solides pour que s'y trompe l'œil novice et marche le pied confiant pour que perde la vie leur propriétaire dans les profondes crevasses qu'il dissimule. Non, l'habitant n'aimait pas recevoir. Et, même moi, je devais me montrer vigilant pour ne pas succomber aux pièges grossièrement placés au sol ainsi qu'à ceux, plus astucieux, masqués dans les hauteurs, entre les stalactites de pierres sombres et froides. Empêchant une progression ailée. Paradoxalement, et contrairement à la croyance populaire des humains, il existait un lieu ici-bas où régnait le froid. Oh, pas suffisamment pour donner raison aux dicton selon lequel le patinage artistique serait la discipline olympique démoniaque mais cependant assez et surtout par contraste aux températures extérieures partout au-dehors de cette grotte pour faire frissonner ses visiteurs.

Le long boyau que je suivais s'étrécir a un point d'inconfort et d'oppression peu supportable pour un être doté d'ailes. Puis il s'évasa en une large fosse et une haute voûte permettant de voler librement presque comme en plein air mais toujours sans aucun passage terrestre pour rejoindre l'autre côté du gouffre où s'ouvrait un autre passage étroit. C'était un test destiné à éprouver la détermination de celui qui désirait s'aventurer plus avant. Je me préparais, écartant mes membres au plumage d'obsidienne et dénouant mes muscles. L'ouverture de laquelle je provenais ne permettait pas de prendre le moindre élan et j'aurais à fournir une vigoureuse poussée afin de me propulsé avec assez de vitesse pour échapper à ce qui suivrai. Je pris une profonde respiration... et m'élançais.
Presque aussitôt, des stalactites se décrochèrent du plafond monolithique. Leurs pointes dures et effilés fonçants vers le sol, attirées par la gravité, où elles exploseraient en millions de minuscules projectiles tranchants et mortels qui se ficheraient dans la chaire et les os, les pénétrant comme un couteau le beurre. De bien des façons, le chemin terrestre était le plus dangereux. Mais cela ne rendait pas le mien plus sûr pour autant. J'étais un obstacle entre ces piques acérées et leur but ultime, près à être transpercé si je tardais trop à m'écarter de leur ligne directe vers les entrailles de la fosse. Par trois fois certaines manquèrent de m'embrocher, entamant la chair sur plusieurs centimètres et faisant couler le sang qui alla nourrir les stalagmites de pierres polies par celui des malheureux ayant versé le leur, parfois jusqu'à la lie, avant moi.

Je poussais mes ailes avec plus de force et de vélocité que mes muscles et mes tendons me brûlaient alors que j'approchais de ce que je supposais être une trouée étroite dans les ténèbres. Au même instant un énorme morceau de la voûte se détacha. Si je ralentissais pour l'esquiver, je prenais le risque de m'exposer aux flèches d'onyx pleuvant toujours sans discontinuer, mais, si je me trompait et que l'ouverture ne se trouvait pas où je l'augurais, je m'écraserais contre le flanc de roche avant d'être pris en tenaille entre l'un de ses plus gros fragment et le sol.
Je donnais un ample mouvement d'ailes et projetais mon corps vers les ténèbres. Rien que je ne sois près à donner. Songeais-je dans un souffle avant de replier mes ailes avant l'impact. Je ne pourrais pas pénétrer le passage en les maintenant ouverte et, alors que j'en approchais, la roche effleura un infime instant inquiétant le dessus de mes primaires puis je pénétrait dans le goulot étriqué m'égratignant et rependant mon sang d'avantage mais avec un soulagement certain tandis que j'entendait l'énorme bloc s'écraser avec fracas.
J'haletais tandis que je me relevais péniblement sur mes abatis douloureux et poursuivais ma progression jusqu'à une sorte d'antichambre d'aérolithes granuleuse, incrustée de petits renfoncements destinés à accueillir des cierges mais qui pourtant demeuraient inoccupés. Je n'en avais cependant pas besoin pour distinguer la silhouette qui me faisait face.

-Félicitation, démon corbeau. Tu as gagné le droit à un second tour.

Même pas en rêve !

-Bien que cela me semble tentant, je vais devoir décliner. Je suis pressé...

La haute stature de mon interlocuteur se redressa pour devenir vraiment imposante, intimidante malgré le ton léger qu'il employait.

-Laisse moi deviner. Une question de vie ou de mort ?

Sa voix était empreinte d'un amusement sarcastique. Bien sur personne ne devait venir pour simplement tailler le bout de gras avec lui. Je me redressais également, bien qu'endoloris, afin d'aborder le sujet qui m'importait.

-J'ai besoin d'une faveur.

Je ne reçu pas de réponse, alors je poursuivis.

-Notre souverain est aux prises d'un puissant venin. Il lui faut l'antidote.

Les ombres qui entouraient mon vis-à-vis se déplacèrent, paraissant dancer alors qu'il secouait la tête.

-Je ne suis pas guérisseur, démon corbeau. Je ne fournit pas de solution miracle.

J'acquiesçais et continuais.

-Je sais, mais tu peux lui accorder le temps dont j'aurais besoin afin de me le procurer et de le lui apporter. Tu peux retarder sa mort.

Il se trouva une faible lueur dans ce néant pour venir jouer sur les dents blanches de son sourire lorsque celui-ci retroussa ses lèvres. Matois, inquiétant.

-Que m'offres-tu en retour, Malphas ?

Je frémis en entendant ce nom. Mon nom de contrat, celui par qui un accord me contraignait à l'obéissance.

-Un peu de compagnie peut-être ?

Il explosa d'un rire rauque, grinçant, témoignant du peu d'usage qu'il en avait fait durant ces siècles de solitude.

-Ta compagnie ne m'intéresse pas, démon corbeau.

-Je ne pensait pas à moi mais à...

J'allais ajouter "quelque chose de plus féminin" mais il m'interrompit. Faisant courir la glace dans mes veines.

-Me sacrifierais-tu tes ailes.

Je ne répondis pas, les mots avaient déserté ma bouche et la jonction entre mes ailes et mon dos pulsais douloureusement à l'évocation de la dernière fois où elles m'avaient été enlevées. Bien sûr cette fois-ci serait définitive. Pour le service que je requérais, je devais céder quelque chose en échange.

-Es-tu prêt aux conséquences de ce que tu désir ? Es-tu prêt à tout m'abandonner ?

Je pris une profonde inspiration. Posais genoux à terre. Et forçais mes ailes à se déployer dans une vulnérabilité dont je m'était promis de ne jamais laisser personne être témoin.

-Oui.

J'entendis avec horreur le bruit métallique d'une épée qu'on retirait de son fourreau mais ne relevait pas la tête pour croiser le regard de son porteur. Je tremblai lorsque la lame froide effleura l'un de mes membres exposé mais ne me dérobais pas. Elle se releva pour frapper et je fermait les yeux, emplis de terreur et de détermination, mais le coup ne vont jamais.

-Je ne veux pas tes ailes, Malphas. Mais le prix sera salé.

J'étais emplis d'un mélange de gratitude à l'idée qu'il renonce à me les enlever et d'une colère froide en songeant qu'il n'avait fait que jouer avec moi. Je grondais.

-Que veux-tu, Thanatos ?

Il sourit. Et cette fois, malgré la rage, je discernais dans ce rictus un plaisir malsain qui me murmura que ce qui allait suivre serait bien pire.

-Deux choses. Tout d'abord, sortir d'ici. Quant à l'autre...

The King of the UnderworldOù les histoires vivent. Découvrez maintenant