Noël démoniaque

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Les profondeurs des enfers avaient toujours prodigué à son ténébreux château une atmosphère chaude et étouffante, une ambiance volcanique et sombre, éclairé par les flammes en léchants les murs extérieurs. Les cris résonnants aux dehors lui conférait un calme trompeur et malsain en comparaison. Une demeure à l'image de son occupent, terrible souverain infernal, créature crainte et abhorrée de tous. Chacun gardant en mémoire ces épouvantables bains de sangs ayant précédé son ascension et les châtiments infligés à ceux qui avaient par la suite contesté sa suprématie. Leurs cruors éclaboussants les murs, imbibants les sols du château. Mon château.
Au dehors, dans le royaume terrestre, il devait sans doute neiger. Mais ici le climat ne dérogeait jamais à cette règle de souffrances brûlantes et de désespoirs arides promise à tous ceux qui l'habitait. Et ce qu'importe qu'on se soit trouvé en pleine période estivale ou, comme à présent, durant un rigoureux hiver. J'avais cependant l'impression que les brasiers infernaux, faisants d'ordinaire régner une implacable et suffocante chaleur, perdaient de leur intensité.
Une croyance stupide circulant parmi les démons proclamait que les feux de l'enfers reflétaient l'humeur de leur monarque. Peut-être était-ce vrai, peut-être était-ce dû au reflux des charges royales qui jusque là m'avaient assaillis de toutes parts, ou peut-être était-ce dû à ce petit être cohabitant désormais avec moi, dans ma demeure, empiétant sur mon territoire, occupant ma chambre, partageant ma couche.

-Votre altesse.

Je détournais les yeux du paysage rougeoyant de désolation que constituait mon royaume pour les porter sur Céthius, seul démon habilité à entrer dans mes appartements sans permission. Son ton pressant et l'emploi de mon titre indiquaient qu'il n'était pas ici pour discuter de sujets triviaux.

-Qu'y a-t-il ?

Son visage à l'instar du mien ne reflétait rien hormis sa fonction, ne trahissant aucune émotion lorsqu'il parla.

-Perséphone...

M'entourant immédiatement d'une épaisse masse vaporeuse, plus sombre encore que les abysses, je disparu, me concentrant sur celle que je cherchais pour réapparaître devant elle. Lorsqu'elles se dispersèrent, les ténèbres me révélèrent une minuscule furie blonde, à peine plus haute que ma rotule, qui me percuta de plein fouet, et se serait fracassée à terre si je ne l'avais capturé de mes bras avant l'impact avec toute la douceur dont j'étais capable et qu'elle m'inspirait ces derniers temps.

-Hum.

Elle frotta son petit front du plat de la main, gémissant. Ça lui apprendrai à courir comme ça sans regarder où elle allait.

-Tu pourrais regarder où tu vas.

Me reprocha-t-elle, en écho à mes pensées.

-Que faisais-tu ?

Ses paupières jusqu'alors clauses en une expression douloureuse, s'ouvrirent sur deux grands yeux bleus, si bleus. Comment ne pas voir la pureté d'un tel regard, même dans cet espace souterrain confiné j'aurais pu jurer voir le ciel s'y refléter, le miroitement de la mer Égée s'y révéler, son âme y danser. J'aurais pu m'abimer dans sa contemplation des heures durant.
Une main toujours posée sur le front, ses petits pieds ne touchants plus terre, elle s'agrippa à moi comme chaque fois que je la tenais au creux de mes bras. Jamais je ne la laisserai échapper.

-Je cherchais les décorations.

Ses pupilles se dilatèrent, des étincelles de joie enfantine les faisant briller.

The King of the UnderworldOù les histoires vivent. Découvrez maintenant