Chapitre 39

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Comme Abelard était celui qui m'avait trouvé juste avant que je ne perde connaissance il su aisément nous diriger jusqu'aux confins des enfers, là où se trouvait l'antre immonde de l'être vile qui y séjournait. Nous reprirent formes à l'abri d'une anfractuosité suffisamment sombre pour nous dissimuler et nous laisser le temps d'établir une stratégie qui pousserait Noyhrceur à s'extraire du trou fangeux qui lui tenait lieu de quartier général.

-Attirer l'attention devant la gorge de la grotte ne servirait à rien. Ce couard ne fait qu'envoyer nos ennemis assaillir le palais en son nom depuis des années. Il ne sait que déléguer. Il ne viendra jamais en personne.

Les paroles d'Abelard firent écho à mes propres pensées. J'avais d'ores et déjà exclue l'idée utopique de le faire venir à nous.

-Alors nous irons à lui.

Cette perspective de retourner dans ces cachots me rebutait mais je sacrifierai tout, quitte à me retrouver de nouveau prisonnière et cette fois exposée aux tortures si cela pouvait nous conduire à Tach. Je les endurerai même avec le sourire si ça me permettait de sauver Hadès. Cela n'empêchait cependant pas la peur et l'appréhension de me coller à la peau, mon instinct me hurlant que c'était trop facile. Ça sentais le piège à plein nez. Le cuir robuste de la combinaison de combat prêtée par l'armurier que j'avais revêtu avant de partir permettait une grande facilité de mouvement sans émettre de crissements et semblait m'immuniser contre la chaleur infernale des lieux. Abelard portait une armure similaire à celle de son roi si ce n'était que la sienne paraissait confectionnée dans un cuir épais, par endroit recouvert d'écailles. Une longue lame dépassait de son dos entre ses omoplates et une séries de petits couteaux ornait la poitrine de son épouse. Ne sachant pas manier une arme aussi imposante que celle d'Abelard ou lancer des couteaux de jet comme ceux d'Héloïse j'arborais à la ceinture une panoplie de lames légèrement plus longues et nettement plus larges que ces derniers. Je m'était étonné que le château ne dispose pas d'armes automatiques mais l'armurier m'avait répondu que les armes modernes souffraient ici de dysfonctionnement sans doute dû à leur incompatibilité avec la magie environnante. J'avais été sur le point de dire que cela nous aurait pourtant été bien utile lorsque j'avais entendu Abelard ajouter en marmonnant derrière moi: "Et puis on est pas des sauvages."
Non, bien sûr que non. Il était plus civilisé d'éventrer son adversaire que de lui coller une balle dans la tête. Songeais-je en observant à nouveau la grande épée maintenue dans son fourreau par des courroies de cuir à son dos.

-Une approche discrète serait plus efficace et moins risquée qu'un affrontement frontal et direct. Réfléchissais-je à haute voix.

-J'ai peut-être un moyen.

Le "moyen" d'Héloïse était plutôt osé. Ils consistait à user de son pouvoir pour nous dissimuler dans les ombres. Nous n'étions pas devenus à proprement parlé "invisible" mais le résultat s'en rapprochait assez. Elle utilisait l'obscurité qu'heureusement le maître des lieux paraissait affectionner pour nous cacher parmi les ténèbres. Nous n'avions qu'à nous tenir éloignés des sources de lumière susceptible de percer notre camouflage et nous progresserions ainsi jusqu'à Tach.
Une main sur chaque épaule nous avancions à croupetons en formation triangulaire, la démone ouvrant la marche. Le bruit étouffé de nos pas sur le sable noire et la poussière brûlante que nous faisions attention de soulever le moins possible étaient les seuls choses capables de nous révéler mais j'avais l'impression que les battements effrénés de mon cœur ricochaient le long des parois hérissées de la grottes et produisaient un écho à réveiller les morts.

The King of the UnderworldOù les histoires vivent. Découvrez maintenant