L'Amour en Sourdine.

Chapitre III.

Bill était rentré chez lui tout chamboulé, ce soir-là. C'était sans doute la première fois depuis le début de sa scolarité au lycée qu'un entendant venait lui parler, et surtout, avait fait l'effort d'apprendre quelques mots en langues des signes à cet effet. Le brun ne savait pas quoi penser de ce grand blond à l'allure nonchalante portant le nom de Tom, qui dégageait un charisme impressionant rien qu'à la prononciation de ce prénom. Il ne savait pas très bien en réalité où ledit Tom voulait en venir avec lui. Il avait beau être sourd, il n'était pas encore aveugle, et avait parfaitement cerné la manière dont il s'était ouvertement foutu de sa gueule, avec sa bande potes, doté à eux trois d'un Q.I pas plus élevé que celui de Nabilla. Il se fichait bien des moqueries qu'il subissait, il n'arrivait simplement pas à comprendre ce que le blond serait venu chercher ensuite, en lui demandant de travailler ensemble. Enfin, le semblant de discussion qu'il avait eu avec lui en fin de journée n'avait fait que confirmer ses regrets d'avoir gentiment refusé de travailler avec lui.

Il ne raconta rien à personne de ce qu'il s'était passé, pas même à sa mère ou à Lucie. Le brun se sentait suffisamment grand pour gérer ses histoires tout seul, et bien qu'il ne sache pas vraiment quoi faire par rapport à cette situation, il allait tenter de faire abstraction de l'ambiguité de cette rencontre, pour essayer d'aller un peu plus de l'avant.

Ce soir-là il s'endormit, en oubliant pour une fois de penser à l'horreur, l'esprit entièrement occupé par la vision du jeune blond, la main dans ses dreads, gêné, qui tente de signer maladroitement d'une seule main. Ses cauchemars le rattraperaient bien assez tôt, il ne pouvait que trop en être sûr. Alors il s'accordait une petite évasion, avant de vivre et revivre une énième fois le pire jour de sa vie, celui où tout a basculé.

[...]

Tom était rentré chez lui le coeur battant, et s'était vautré sur son lit, avec l'immense impression d'avoir une nouvelle fois réussi à tout foirer. Il doutait, et se demandait s'il n'aurait pas mieux fait de ne pas accoster le brun – dont il ne connaissait pas encore le nom. Et pour cause. Après les deux phrases qu'il avait difficilement signées de ses mains moites et tremblantes, le jeune mal-entendant avait tout simplement souri, et s'était retourné, avant de se mêler à la foule et de disparaître, laissant le dreadeux planté là, sans réponse à sa demande.

Le blond ne savait pas quoi penser, et ne voulait pas avoir à se dire que tout était fini alors que rien n'avait commencé. Merde quoi, il ne connaissait même pas le nom de ce gars, et quelque chose de puissamment immatériel le poussait à aller contre sa raison, et à essayer de le connaître un peu plus, quitte à se brûler au feu.

Perdu dans ses pensées, il n'avait pas entendu la sonnerie de la porte d'entrée retentir dans toute la maison, seulement sa mère l'appeler depuis l'entrée, de sa voix stridente à en exploser des verres de crystal. Il se demandait ce qu'elle pouvait bien lui vouloir à cette heure-ci, et se leva pour aller vers les escaliers en traînant les pieds. Lorsqu'il fut au rez-de-chaussée, il crut qu'il allait mourir, et se frappa mentalement en se demandant pourquoi il n'avait pas prétexté une grosse dissertation sur les principes fondamentaux et le rôle de l'Eglise catholique dans la société féodale du XIIIe siècle pour éviter de descendre. Marie Cécile grosse dondon se tenait devant l'entrée, une minijupe tellement courte que Tom dût presque fermer les yeux pour ne pas voir la Lune, et un haut avec décolleté très plongeant, épousant parfaitement les formes de la dondon qu'elle était. Tom se pinçait pour se persuader qu'il rêvait. Mais non.

Dondon était vraiment là. Son pire cauchemar.

 - Tomi chériii je suis venue t'inviter à passer la soirée avec moi pour mon anniversaaaaire ! C'est génial non ? sourit-elle d'un air vainqueur, en observant à la dérobée la mère du dreadeux, qui paraissait satisfaite et attendrie.