Chapitre V.

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Nous étions vendredi midi. La cour du lycée était presque déserte, étant donné le peu d'élèves qui risquaient leur vie en mangeant à la cantine. Seulement quelques personnes se trouvaient là, pour manger, ou juste pour passer le temps, parce qu'ils n'avaient rien d'autre à faire. Tom faisait partie de ces personnes-là, mais n'était pas assis sur ce banc près du bâtiment principal par pur plaisir, ou par une quelconque envie. Il était là avec sa bande de potes parce qu'ils avaient cours dans un quart d'heure, et que ça ne servait à rien de sortir pour quinze vulgaires petites minutes. Il soupira, voulant sortir son paquet de clopes et s'en allumer une, puis se ravisa en se rappelant que c'était interdit dans l'enceinte du lycée. Il souffla.

La soirée avec Marie dondon et ses parents s'était désastreusement bien passée, au grand damne de Tom, qui n'en pouvait plus d'avoir une sangsue collée à son cul dix heures sur douze. Ses parents étaient tout aussi coincés et axés famille et tradition que ceux de Tom, et il aurait presque eu pitié du pseudo-amour de sa vie si il n'avait pas été exactement dans la même situation qu'elle, et ce depuis maintenant seize ans.

Le dreadeux promena son regard dans la cour, histoire de faire passer le temps, et d'oublier Marco et Georg qui tentaient d'élire "la fille au plus beau châssis" de leur classe, puis du lycée. Il passait assez vite sur les gens, lorsque d'un coup il se figea. Là, sur le banc, en face de lui. Le bel androgyne qui occupait constamment ses pensées depuis le début de la semaine lorsqu'ils s'étaient quittés était assis sur un banc, à plusieurs mètres de lui, et signait d'un air plutôt joyeux avec son amie – dont il ne connaissait pas le prénom – tout en mangeant un sandwich, que Tom aperçut comme étant un sandwich au jambon. Il commençait tout juste à idéaliser promptement la façon qu'avait Bill de manger son sandwich, lorsque deux yeux en amande qu'il connaissait pour être ceux du brun se plantèrent dans les siens. Même à l'autre bout de la cours ils arrivaient à tenir ces regards qu'ils ne se lançaient que très rarement. Bill signa un petit "Salut" au loin, auquel Tom répondit en souriant discrètement. Il ne voulait pas attiser la curiosité de ses amis, bien qu'il soit tout sauf discret.

Manque de bol pour lui, il n'avait pas vraiment pour habitude de signer comme ça constamment, et cela mit la puce à l'oreille de Georg, qui le regarda, en fronçant les sourcils.

"Qui c'est que tu regardes comme ça ?" demanda-t-il avec dédain.

Tom, pris sur le fait, rangea précipitamment ses mains dans les poches de son jean, et détourna le regard, son visage prenant presque une jolie teinte rosée, sans qu'il ne le veuille.

"Personne. Qu'est-ce-que tu crois ?" contra-t-il, en essayant de se donner un minimum de contenance.

"Ah, et la brune corbeau là-bas, c'est personne ?" lança Marco, débarquant dans la discussion.

"Hum. Le brun." ne put s'empêcher de corriger Tom, se rendant compte après coup que sa remarque allait lui valoir une jolie et douce descente en enfer.

"Peu importe. Tu changes de bord, Tomi ?" taquina le châtain, touchant le blond en plein cœur.

"T'es con." pouffa Tom, pour faire semblant, "Je constatai simplement mentalement que ce mec est vraiment une tapette."

Sa phrase sonnait complètement faux, mais il pensait que cela suffirait à convaincre Marco et Georg. Et il avait visé juste.

"En tout cas, elle a l'air de bien t'aimer, la taffiole, parce qu'elle te regarde beaucoup." avança Georg, appuyant sur un point sensible chez Tom sans même le savoir.

"Vous pouvez pas comprendre, aucun de vous deux n'a mon physique, et mon visage parfait !" finit par dire le blond en plaisantant, se levant dédaigneusement pour se diriger vers sa salle de cours, car ça avait sonné.

L'Amour en Sourdine.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant