Chapitre XXX.
Tom toisa Bill du regard, les yeux ronds comme des billes, toutes ses espérances tombant en un bruit sourd à ses pieds. Il tenta de calmer sa respiration affolée, et se leva brusquement, donnant un coup non calculé dans la chaise avant de partir à toute hâte vers les toilettes en s'excusant, la tête basse. Il passa la porte des WC du café et s'attarda devant la glace, sentant les larmes lui dévorer les pupilles. Il cligna des yeux en se concentrant pour ne pas pleurer, un juron passant entre ses lèvres. Il s'observa un petit moment dans l'immense miroir, alors que les hoquets vinrent d'eux même, une infinité de conséquences dramatiques lui venant soudain à l'esprit. Il sentait soudain cet amour si puissant stérile, voué à l'échec, morne, bref, c'était terminé. Tom aurait donné l'impossible à Bill, mais cette fois-ci la bataille lui semblait bien trop difficile à livrer. Il se calma et retourna près de l'androgyne, cherchant leur table parmi celles des bourgeois du café pendant quelques minutes. Il soupira qu'il n'avait putain de pas de chance avant de se rendre compte que leur place était bien celle-ci, près de la fenêtre. Bill était partit.
Les gouttes d'eau retombaient dans un « ploc » sonore qui résonnait dans toute la pièce silencieuse, le miroir reflétant l'image du brun qui se fixait, imperturbable, se regardant comme un inconnu. Comme-ci ce visage de jeune homme si fin et si dessiné n'était pas le siens, mais celui d'une autre personne, extérieur. Il se demanda longuement ce qu'il penserait alors de cette autre personne, et se dit qu'il la trouvait atrocement minable. Comment pouvait-on être lâche à ce point ? Cette personne était détestable, à coup sûr. Le genre de personne qui rabâche qu'elle ne veut pas être le centre de l'attention mais qui à travers ce masque cache qu'en réalité elle donnerait un rein pour cette compassion si vomitive. L'horreur avait un goût, un goût pâteux, prenant en bouche, qui la laisse farineuse, pleine. Mais elle avait aussi un goût amer, dégueulasse, un mauvais retour. Parfois le gout était bien plus acide, piquant, sévère et électrisant. Le brun étira ses orteils en se laissant glisser le long de la baignoire, passant sous l'eau, ses cheveux synthétiques dansant autour de lui, se perdant dans la curieuse gravité du liquide. Il garda les yeux ouverts, bien que le froid les brûlait sans relâche, et remonta, la cage thoracique compressée, sa respiration ayant un mal fou à repartir. Il s'étouffa en pleurant de douleur, sentant tous ses membres comme bloqués, ébouillantés par le froid. Ce dernier le prenait à la gorge, mordait, griffait, lacérait son corps fragile. Et il aimait ça. Il aimait se punir de la sorte, ressentir toute cette haine intérieur se manifester cruellement. Il observa son reflet, ses paupières boursouflés par le glacial, ses yeux fatigués, son teint blafard et ses cils couverts d'une légère couche de givre. Il songea à Tom et sentit soudain le goût de ses baisers sur ses lèvres, ce goût qui remplaçait celui âcre de l'horreur à chaque instant. Il se sentit rougir et réalisa à quel point il avait loupé, il avait loupé de ressentir mieux chaque fois que Tom l'avait pris dans ses bras, chaque fois qu'il lui avait murmuré des je t'aime qu'il n'avait pu entendre. Il songea à ce visage, celui de Tom, celui qui est si beau, tellement magnifique, sincère. Il aurait voulu l'aimer pour un millier d'année. A vrai dire, le feu qui cramait dans sa poitrine aurait sûrement pu durer bien plus longtemps que ça. Il laissa les larmes couler, alors qu'il allumait le robinet d'eau chaude, songeant aux étreintes de son amour. Il suffoqua, dans un état second, celui qui t'emmène dans une autre galaxie, un drogué sans drogue, un ange sans ailes. Il rit à la vue de son amour, de ce sourire de gamin heureux, et le revoyait le serrer dans ses bras toujours plus. Il se revoyait lui raconter ses journées avec tous ses gestes si caractéristiques de sa personne, alors que son dreadeux écoutait, bien plus concentré sur sa bouille adorable que sur son histoire bidon. Il rit en songeant à toutes les longues minutes de conversations ennuyeuses qu'avait dû se coltiner Tom.
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L'Amour en Sourdine.
FanfictionBill est handicapé. Il est sourd, sourd car il a pris peur, sourd car il a vécu le pire, sourd car depuis qu'il a entendu les sons les plus monstrueux ses tympans refusent de fonctionner. A deux rues de là, Tom est seul, seul et enfermé dans une cag...