16h30. Le soleil était encore haut dans le ciel, pour ce mois de mars aux températures estivales précoces. Le dernier enfant venait tout juste de partir, au bras de son père qui souriait. Exténué, Bill s'évertuait à ranger les feutres, les crayons de couleurs et les craies grasses qu'ils avaient utilisé quelques minutes plus tôt, sachant pourtant que c'était inutile, vu qu'ils réitèreraient l'activité dès le lendemain matin, sûrement. Il s'occupa également de ranger toutes les feuilles découpées par les petits, de trier dessins et brouillons et d'accrocher les quelques chefs-d'œuvre déjà terminés sur le mur blanc, qui n'attendait que ça d'être décoré. Quand il eut terminé, une vingtaine de minutes et un coup d'aspirateur plus tard, le jeune homme s'affala sur une des petites chaises et soupira d'aise. La journée était plus ou moins terminée pour lui. Il attendait Juliette.
Cette dernière arriva alors, comme si elle avait entendu l'appel insouciant et silencieux de Bill, une grosse pile de feuilles A3 cartonnées dans les mains. Elle abandonna le tout sur son bureau au fond de la salle, et revint près du jeune homme en souriant.
"Merci Bill, t'as fait un super boulot aujourd'hui !" signa-t-elle comme si elle parlait la langue des signes depuis toujours.
"Oh tu sais, ça me fait plaisir d'être là." signa-t-il en retour.
"Tu sais que tu as un certain tact avec les enfants ? Tu pourrais approfondir là-dedans, il doit y avoir pleins de postes à pourvoir !"
"Je ne me fais pas trop d'illusions. Y'a pas vraiment de place pour moi dans les milieux où on communique." sourit-il tristement.
La femme, qui devait avoir environ vingt-neuf ou trente ans, sourit à son tour, posant une main rassurante sur l'épaule du jeune homme. Il avait encore tellement à apprendre de la vie, mais en même temps elle avait l'impression qu'il en avait déjà bien assez vu. Juliette était la maîtresse d'une classe de quatorze enfants, pas un de plus, pas un de moins, tous âgés de trois à quatre ans. De petits monstres avec une bonne humeur sans pareille et une énergie inégalable. Bill était là pour l'assister dans son travail. La particularité de cette classe était qu'elle était, comme celle que le jeune homme fréquentait au lycée, spécialisée. On trouvait de tout, du léger handicap mental à la paralysie en passant par la surdité profonde. Juliette, malgré son expérience, était incapable de gérer une telle classe seule. C'est pourquoi Bill se retrouvait là. Ce petit boulot lui permettait de gagner sa vie correctement, et d'être totalement indépendant.
Le brun regagna son appartement après avoir discuté encore quelques instants avec Juliette l'instit, qui, par la force des choses, avait appris à signer bien avant de rencontrer Bill. Il était passé par l'épicerie du coin acheter quelques bricoles à manger. En effet, Noah vient ce soir.
Bill avait rencontré Noah dans le centre LGBT où il était allé crier à l'aide, il y a tout juste un an, lorsque plus rien n'allait. Il s'est fait aider, a pu quitter la maison familiale où il étouffait, pour prendre du recul. Il n'avait pas repris contact avec ses parents depuis. Par fierté ou par peur, il n'en savait trop rien. Peu de temps après, alors que le brun se remettait lentement de sa rupture toute fraîche, et remontait la pente par rapport à son père, ils avaient commencé à se fréquenter, avec Noah, pour finalement sortir ensemble, et ce depuis maintenant plus de trois ou quatre mois. Noah était un beau garçon blond aux yeux bleus, âgé de 22 ans – donc de quatre ans l'aîné de Bill –, bien foutu, amoureux et dévoué. Ce genre de garçon qu'on a envie d'embrasser rien que quand on le voit, tellement il est adorable. Il semblait être l'homme parfait pour le brun, qui assumait à présent complètement son homosexualité, et semblait vivre heureux au bras de son homme.
Depuis qu'il a quitté ses parents, tout est devenu bien différent pour le jeune homme. Il allait sur ses 20 ans, et avait ce travail, dans cette petite école maternelle, qui lui avait permis de s'acheter ce petit appartement dans lequel il vivait, ce petit cocon, ayant le luxe d'être pourvu d'un balcon, son échappatoire. Pour boucler convenablement ses fins de mois, Bill allait faire le ménage ou la plonge dans le café du coin, une à deux fois par semaines. Cela ne lui demandait pas énormément de qualifications, de plus, le propriétaire du café l'avait pris sous son aile, et lui faisait souvent effectuer des tâches un peu moins ingrates que celles auxquelles il était destiné. Ce petit plus lui avait permis de reprendre ses études, et il comptait passer son bac à la fin de l'année, en qualité de candidat libre.
VOUS LISEZ
L'Amour en Sourdine.
FanfictionBill est handicapé. Il est sourd, sourd car il a pris peur, sourd car il a vécu le pire, sourd car depuis qu'il a entendu les sons les plus monstrueux ses tympans refusent de fonctionner. A deux rues de là, Tom est seul, seul et enfermé dans une cag...