Jamais Tom n'avait vécu pire vendredi matin que celui-ci. Déjà il s'était réveillé bien trop tôt, ce qui ne lui arrivait jamais d'habitude, et avait passé 3 bonnes heures à tourner en rond dans sa chambre. Il était assis sur le bord de son lit, les yeux dans le vide, 483 milles questions tournoyant dans sa tête de manière infernale, ne lui laissant aucun répit. Il se sentait con, et pour cause, il l'était. Bill lui avait laissé une chance de se faire pardonner et il avait tout gâché. Mais lorsque sa dispute avait éclaté avec Marie-Cécile il n'avait pas vu d'autre moyen de calmer le jeu. En effet cette dernière avait menacé de dire à leur deux parents que Tom ne voulait pas d'elle si le blond ne se comportait pas « mieux » avec sa dulcinée, à commencer par l'embrasser en publique. Tom avait d'abord naturellement refusé, la traitant de tarée en lui expliquant qu'ils n'étaient pas en couple et que d'ailleurs il ne l'aimait absolument pas, et qu'en effet il ne faisait ça que pour leur parents respectifs. La blonde avait fondu en larmes en laissant son mascara venir dégouliner en une masse informe sur ses joues roses et il l'avait finalement embrassée en lui disant que ce n'était qu'une plaisanterie, de peur qu'elle n'aille tout raconter à sa mère qui, si elle apprenait qu'il se comportait mal avec « cette adorable Marie-Cécile » l'empaillerait vivant.
Mais ce qui tracassait le plus le blond c'était l'image de Bill qui tournait dans sa tête depuis la veille. Il été terrifié à l'idée de l'avoir perdu pour toujours cette fois-ci. Lorsqu'il s'était retourné pour s'enfuir, son cahier serré contre sa poitrine, il avait compris à quel point il devait être déçu. De plus il avait beaucoup songé à tout ça et en revenait toujours à la même conclusion : il ne pouvait concevoir le fait de vivre sans lui depuis la seconde où leur regards s'étaient croisés. Et pourtant ils n'étaient amis que depuis deux semaines. Mais Bill était fascinant, dans toute son androgynie et toutes ses manières, dans sa façon d'être, de signer, de rire, Bill était limite une obsession. Le blond se dit qu'il devrait peut-être consulter à ce sujet d'ailleurs. Pourtant il était persuadé d'aimer les filles. Etait-ce seulement l'androgynie de son brun qui l'avait troublée puis fait succomber ? Non, c'était plus que ça. Il désirait réellement ce mec. Alors Bill représentait-il juste un idéal de beauté fantasmé et refoulé ? Tom se laissa tomber lourdement sur le lit, perplexe.
Bill était son interdit. Bill représentait cette adrénaline, ce putain de fruit défendu, Bill était la pureté et le vice à la fois, tout ce que pouvaient haïr ses parents, ce à quoi il avait été coaché à détester toute sa petite vie. Le brun représentait la mesure de sa vie d'après. L'élément déclencheur qui pourrait le faire passer de l'autre côté, le faire quitter ce monde de superficialité dans lequel il était enfermé depuis la naissance. Il déposa une main prudente sur son torse et la passa sous son t-shirt sans difficultés avant de la remonter progressivement jusqu'à son cœur. Il en retraça les contours à travers sa peau fine et l'écouta, longtemps. Détonation après détonation, battements après battements, ce cœur qui déconnait complètement en ce moment. Et s'il était vraiment amoureux de Bill ?
Qu'est-ce que ça voudrait dire, pour eux deux ?
[...]
Lundi matin. Vendredi l'androgyne n'était pas venu en cours, ce qui n'avait pas manqué d'échapper à Tom. Il avait donc passé la journée à rire faussement aux conneries de Marco en soupirant. Il se sentait tellement coupable. La culpabilité le rongeait, comme une petite mite qui grappillerait dans son estomac. Il s'était d'ailleurs endormi en cours à cause de sa nuit de merde, ce qui lui avait valu une heure de colle. Il n'avait cessé toute la journée de se dire que Bill était sûrement malade, après tout peut-être qu'il n'avait jamais eu la varicelle. Y'a des tas de gens qui n'ont jamais eu la varicelle.
Il était donc là, adossé le long du mur, attendant patiemment l'arrivée de Bill. Il voulait absolument tenter de réparer son massacre, quitte à refermer des blessures de guerre avec du scotch. Il vit alors une petite blonde furieuse arriver vers lui, ses cheveux bouclés dansant sur ses épaules. Il la toisa du regard et porta sa cigarette à ses lèvres, se disant que ce n'était sûrement pas lui qu'elle venait voir.
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L'Amour en Sourdine.
FanfictionBill est handicapé. Il est sourd, sourd car il a pris peur, sourd car il a vécu le pire, sourd car depuis qu'il a entendu les sons les plus monstrueux ses tympans refusent de fonctionner. A deux rues de là, Tom est seul, seul et enfermé dans une cag...