Prologue.

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La journée se déroulait comme à sa petite habitude, la maîtresse observant sa classe un peu trop pleine pour elle d'un regard bienveillant. Et pourtant ces petits monstres étaient loin de lui rendre la vie facile. Mais la jeune femme se démenait chaque jour pour les ouvrir au monde et leur faire découvrir mille et une petites choses qui rendent la vie un peu plus belle. Alors que les élèves dessinaient calmement, un craquement sonore se fit entendre du bas de la cour de récréation, attisant la curiosité de Mademoiselle Kirsch. Elle se pencha, tourna lentement la tête vers les enfants, et ces derniers purent apercevoir sur son visage d'ordinaire si rassurant, presque maternel, une expression de terreur intense qu'ils ne lui connaissaient pas. L'un d'eux en particulier comprit, au simple croisement des pupilles dilatées et animées par un instinct de survie virulent et soudain de sa professeur qu'il allait se tramer quelque chose. Quelque chose de si adulte et de si violent que son esprit d'enfant n'aurait pu ne serait-ce qu'imaginer pareille atrocité.

La jeune femme hurla aux petits de se cacher sous les tables, bredouillant qu'ils allaient tous faire un jeu et qu'il ne fallait surtout pas bouger. Certains rirent alors, encore ignorants, se cachant sous leurs petits manteaux de laine en simulant des bombes qui explosent. S'ils avaient su. Mais ce petit garçon qui avait tout compris, lui, était loin de s'amuser. En effet, Bill avait toujours été plus peureux que les autres. Il se cacha derrière la petite armoire, serrant son petit lapin contre lui, cachant sa tête pleine de cheveux blonds dans ses bras en pleurnichant. Une détonation le fit sursauter, le tirant de ses sanglots, le silence s'emparant soudainement de toute la salle, il y a quelques secondes encore si animée. Un cri strident et puissant éclata la bulle solennelle et prudente et tous se tournèrent d'un mauvais œil vers le petit Bill. Il venait de tous les condamner.

Ce cri résonnait toujours, parasite, une ridicule perte de contrôle d'un gosse tout aussi ridicule. Et alors tout alla très vite. Un homme armé, une cagoule sur le visage, et d'une jeunesse étonnante - pas plus vieux qu'un lycéen - était entré, semant la panique parmi les enfants. Certains, naïfs, croyaient toujours à un jeu et s'esclaffèrent, la gorge nouée. Tandis que le reste- la majorité- était figé, comme si, à la simple vue de l'AK47 une partie de leur innocence venait d'être bousillée. On avait craché vulgairement sur leurs rêves d'enfants, mâchouillés comme du mauvais chewing-gum. La précieuse peluche du petit blond tomba à ses pieds, puis se fit pousser plus loin, tandis qu'il tentait de se contrôler alors que les larmes dévalaient en déluge ses petites joues. Une seconde détonation. Mademoiselle Kirsch tomba à terre, sa tête butant violemment contre le parquet, laissant une traînée rouge sur le tableau noir, encore couvert de tâches de craies de la leçon qu'ils venaient tout juste d'étudier. La boite à musique du fond de la pièce se mit à marcher toute seule, la petite danseuse tournoyant sur le ressort et déclenchant une mélodie tout aussi charmante qu'infernale. Ils n'avaient plus aucun repère.

Les petits crièrent de stupéfaction face à la vision horrifique du cadavre de leur professeur, la bouche et les yeux grand ouverts, une expression de frayeur figée à jamais sur son visage tendu. Bill observa son petit lapin à l'autre bout de la pièce et se surprit à avoir l'envie tout aussi incongrue que vive d'aller le chercher mais se renfrogna, préférant se tenir à carreaux. Il était toujours réfugié derrière la petite armoire, le souffle coupé, le bruit du canon retentissant toujours aussi clairement dans ses oreilles. Boum. Une petite fille qui lui avait donné une tartelette aux fraises le goûter dernier s'effondra, parce qu'elle pleurait un peu trop fort, ou parce qu'elle était là, tout simplement. Il ne savait pas. Et cette ignorance le rendait malade, faisant monter en lui un profond dégoût à la vue du sang coagulé. Il ne savait même pas qu'on pouvait tuer pour de vrai. Tous ses membres étaient tendus, à l'affût de la moindre brèche pour s'échapper, courir le plus vite possible sur ses petites jambes et oublier ce monstre. Il vit la fillette s'écrouler lourdement sur le sol, sa tête brusquée par les bottes de cuir imposantes du terroriste, repoussée par un vulgaire coup de pied. Le blond tenta de calmer sa respiration, se mordant très fort la lèvre pour ne pas pleurer. Il se rappela en litanie les paroles de sa maman lorsqu'elle l'avait déposé à la maternelle pour la première fois. « Tu ne dois pas pleurer, Billy. Tu es grand maintenant. » Il se dit que seul doudou pourrait réussir à le calmer, et s'approcha de la peluche, le cœur vacillant, marchant à quatre pattes jusqu'à cette dernière. La porte fut bloquée par une chaise et alors que le petit allait attraper l'oreille de son lapin, un regard perçant traversa la pièce, immobile. Les yeux verts s'arrêtèrent devant l'enfant et le toisèrent de toute sa petitesse, insecte qu'il était pour lui. Boum Boum. Un élève à quelques millimètres de Bill s'effondra. Ils tombaient comme des quilles, poussant un cri déchirant avant de cesser de pleurer pour toujours. Le blond avait retenu son souffle, bouche bée. Son cœur s'emballa et il saisit sa peluche par l'oreille pour en sentir l'odeur alors que tout lui semblait flou. Les larmes embuaient son regard chocolat et l'agitation soudaine lui faisait peur, alors que le jeune homme se faisait emmener par deux policiers. Il fixa les lèvres pourtant bien agitées de ces derniers et fronça les sourcils, intrigué. Le jeune homme à l'arme tira encore, faisant se casser une vitre et hurler les enfants, la panique gagnant l'espace de la salle de classe. Les dessins tombèrent à terre comme des feuilles mortes, laissant un tapis de sang et de gaieté d'un instant échoué par terre. Le petit garçon resta à terre, à fixer les corps inertes de ses camarades, sentant comme si ses poumons menaçaient d'exploser. Les larmes ne cessaient plus cette fois-ci, toujours plus proéminentes, montant en rafales dans sa gorge, le laissant à se tenir fort les oreilles tout en hurlant de toutes ses forces.

Du haut de ses 1 mètre 02, il venait d'assister à toute l'étendue de l'horreur humaine sous sa forme la plus sadique. Et une énième détonation résonna, cette fois-ci irrémédiablement muette.

Le sang ne cessait de couler, le long des parois de la petite salle, envahissant les murs joliment parés des créations des petits. Le liquide rouge envahissait le blond de partout. Il sentit des petites mites lui dévorer l'estomac et laissa le sang épais s'échapper de sa gorge, faisant pression sur tous ses organes pour se faire vomir, douloureusement. Sa cornée se remplit elle aussi d'écarlate, sentant que ses yeux allaient sortir de leurs orbites à tout moment. Il s'échappait également de ses oreilles, particulièrement, de ses oreilles, coulant dans une sensation aussi désagréable que douloureuse. Les corps des trois enfants se vidaient lentement, encore du sang. Omniprésent. La mélodie continuait, régulière et mélancolique. Il crachait, hurlait, tentait d'entendre en vain. Il se rappela des regards si mauvais et désespérés de ses camarades sur lui quand il avait crié. Tout était de sa faute. Et la chansonnette prit une toute autre tournure dans son esprit corrompu.

« Ta faute ta faute ta faute ta faute ta faute ta faute ta faute ta faute... »


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Sora&Clem'.

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