Chapitre XXVI.

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Bill frotta ses yeux avec énergie, tout en sortant d'un sommeil interminable, ce genre de sommeil lourd et douloureux au réveil, qui fait tout oublier et fait semblant de résoudre les tracas. Il avait rêvé de lui, d'eux, de ses dreads tombant en cascade sur ses épaules nues et de ses doigts glissant le long de son corps, ses si belles mains qu'il avait admirées, embrassées, cajolées. Bill n'était pas vraiment le genre de garçon qui faisait des rêves sexuels, et encore moins avec des personnes physiquement existantes et identifiables. Mais avec ce mec, c'était différent. A vrai dire, avec Tom, tout semblait différent. La désillusion tomba douloureusement, comme une enclume en plein sur sa tête, boum, aïe, fin du mirage : il l'avait laissé tomber. Largué était un mot interdit, étant donné que « largué » prenait une connotation bien plus négative dans la bouche du largueur que du largué. Largué ça fait salopard, ça fait désordre, sale, et Bill savait bien qu'il n'avait jamais eu la volonté propre de larguer son petit ami. Seulement voilà, c'est comme ça que l'on dit : largué, un heureux, un connard, une fin, un début, chaque chose à sa place, et tout va bien. Oui, après tout, tout était censé allé bien. Le brun se leva, alors qu'il avait passé la nuit sur un matelas (plus proche de la couverture que du simple matelas, si bien que le parquet lui avait bien arraché le dos toute la nuit) à terre dans la chambre de Lucie. On dormait plutôt mal chez Lucie, ce qui l'avait dissuadé auparavant de rester trop longtemps, et ce qui faisait que la plupart du temps, c'est lui qui préférait inviter la blonde. Il fit craquer tous les os de son corps endoloris et s'avança jusqu'à la salle de bain pour recoiffer ses rastas d'un simple geste de la main. Il observa ses yeux démaquillés et appliqua son fidèle trait d'eyeliner, précédé d'anti cerne cette fois-ci, pour ne pas avoir l'air aussi cadavérique qu'il ne pouvait réellement le sembler pour toute personne lucide. Il ravala un hoquet et une petite avalanche, sentit son ventre se tordre de douleur, voulut vomir toute cette horreur, et finit par se retrouver en boule contre les toilettes à pleurer qu'il n'arrivait pas à se maquiller correctement.

Lorsque Bill était énervé, un rien pouvait le mettre dans un état impossible, et il chouinait au moindre échec. Le cas présent étant que ce « putain de fils de pute » d'eyeliner refusait de prendre place sur sa paupière mobile sans dépasser ou faire de gros pâtés. La blondinette se leva, alors qu'elle avait passé une partie de la nuit dans les bras de Georg qui avait retrouvé les deux amis pour une partie de Mario Kart qui avait un peu rassurée le brun, lui disant qu'il n'avait qu'à s'expliquer avec Tom pour tout changer. Lucie s'accroupit devant l'androgyne en le trouvant aussi bouleversé, et s'empressa de le questionner.

« Ça va mon Billou ?! »

« J'arrive pas »

Signa timidement le petit brun en reniflant, recroquevillé sur lui-même. On aurait dit qu'il faisait de la contorsion pour entrer dans une minuscule boite, si petite que tous ses membres auraient dû être pliés. Ses longues jambes rameutées contre lui, et ses mains minuscules entremêlées en pleine chamaille acharnée, alors qu'il grattait incessamment le vernis de ses ongles. Il éternua dans un mignon son aigu et reprit sa respiration alors qu'il laissait son amie le préparer en soupirant, fatiguée mais dévouée.

« Voilà ! Regarde toi, tu as vu comme tu es beau... »

Signa-t-elle en passant une main douce et précise le long de sa mèche pour la ramener derrière son oreille et dévoiler son visage trop souvent camouflé par ses cheveux ébène. L'androgyne secoua la tête et se cacha à nouveau, trop cassé pour se laisser dévisager aujourd'hui. Il en était convaincu, les gens le regardaient mal. Dans la rue, lorsqu'il faisait ses courses et parlait en langue des signes, à cause de son apparence de pédale. Tout le laissait croire que le monde entier s'amusait à le juger qu'il soit démonstratif ou non.

« Beau pour qui maintenant ? »

Questionna-t-il en se mordant significativement la lèvre inférieure, le déluge au bord des paupières, la tempête reprenant vie en une seconde de battement. La blonde se sentit soudainement triste et offrit un grand sourire à son meilleur ami.

L'Amour en Sourdine.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant