Chapitre XXVIII.

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Chantale Kaulitz épousseta son vase en céramique délicate de son petit plumeau, tout en fredonnant de la bonne musique. En effet, elle semblait avoir été conçue et éduquée pour distinguer le bon du mauvais, et estimait alors ses goûts personnels comme la crème de la crème. Elle écoutait du Chopin, elle connaissait La lettre à Elise au piano par cœur, et avait assimilé au cours de sa petite existence bien rangée toute une flopée d'autres mouvements musicaux distingués qu'on lui avait inculqués comme la seule et unique option de son apprentissage de la vie. Elle dénigrait bien le rap brutal qu'écoutait son fils, à son plus grand désespoir, et n'hésitait pas à rabaisser le genre à tout va, en en parlant comme d'un cancer qui ôtait la civilisation de Tom. Elle n'avait pourtant objectivement jamais écouté de rap, mais cette musique de banlieue était de la mauvaise musique, loin de ses classiques, comme on le lui avait appris. Le couple qu'elle formait avec Charles vivait dans une parfaite harmonie, sans jamais hausser le ton, son mari la trouvant de toute façon trop insignifiante pour parler sérieusement de quoi que ce soit avec elle. Cette harmonie si primordiale dans laquelle avait grandi Tom était sans doute le fruit de ses excès d'aujourd'hui, alors qu'il tentait de s'éloigner de ce moule dans lequel on l'avait forcé à rentrer. Chez les Kaulitz, on ne se disputait jamais, n'haussait jamais le ton, et surtout on évitait les sujets importants ou au contraire rediffusait les potins de manière erronée. Chantale se contentait de pester des idées semi racistes et périmées sans même y faire attention tant cela semblait ancré dans ce putain de dictionnaire prémédité, bien rangé dans son petit cerveau. Lorsqu'elle tombait, par malheur, sur une personne plus renseignée ou simplement plus intelligente qu'elle, elle se contentait de faire profil bas en affirmant tout à fait l'opposé de ses idées initiales pour plaire et faire valoir son opinion.

Même lorsqu'ils étaient invités chez quelqu'un, les parents du dreadeux avaient toujours le chic pour faire d'une hyperbole chacune de leurs répliques, avec la discrétion et la sincérité du pire des hypocrites. Par exemple, elle n'acceptait jamais l'alcool car cela la « ballonnait », mais se contentait de demander un verre d'eau en s'extasiant à chaque gorgée que cette Evian était « délicieuse » ou « merveilleuse ». Sachant que l'Evian, qu'elle vienne du frigo des Kaulitz ou de celui de leurs voisins avait toujours le même goût. Cette faculté était doublée d'un snobisme assez puissant, les deux s'incluant comme faisant partie de la Haute et n'ayant pas besoin de compatir pour des gens trop simples ou démunis. Leur argent ils l'avaient mérité, gagné grâce à la sueur de leur front et les pelures de leurs patates.

Le véritable problème dont souffraient en vérité Chantale et Charles était celui du cas de leur fils, qui ne cessait de se rebeller d'une façon fort déplaisante. Ils avaient la manie de tout planifier pour lui, mais aussi celle de le lobotomiser de bonnes valeurs et d'une compassion étouffante sans cesse, persuadés que Tom se plaisait très bien dans cet avenir pré conçu. Qui n'aurait pas aimé avoir tout de prévu, et plus qu'à embarquer ? Leur fils n'aurait, à leurs yeux, pu rêver meilleur futur. Il était en route pour une brillante destinée, et ça, ils en étaient sûrs. Cette passe de rébellion ne pouvait être qu'une vulgaire erreur de calcul.

Oui, rien qu'une vulgaire erreur.

[...]

« Ça va mieux, tes blessures ? »

Questionna Tom pour la quinzième fois consécutive, tout en tapotant sur le bras de l'androgyne, anxieux, maltraitant son piercing à la lèvre. Le petit brun leva les yeux au ciel, riant en signant de ses longues mains.

« Oui je te dis que tout va bien ! »

Il avait enfin retrouvé l'usage de son bras après 3 mois dans le plâtre (sachant que pour signer le plâtre n'était pas réellement adapté) et leva les yeux au ciel en voyant l'air inquiet du blond qui persistait.

L'Amour en Sourdine.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant