Chapitre XIX.

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En arrivant en cours ce lundi-là, Bill avait directement rejoint Lucie, pour qu'elle lui raconte tout son week-end dans les moindres détails. En effet, la brunette avait été de sortie avec Georg, et quelque chose faisait sentir à Bill que ce n'était pas pour jouer aux échecs. Elle lui raconta expressément qu'ils s'étaient cherchés l'un l'autre, se lançant des piques, ou en se répondant de manière quasi timide – ce qui était plutôt étonnant, pour la grande gueule qu'était Lucie. Du moins, ils ne s'attardèrent pas vraiment des masses sur ce sujet, la jeune blonde ayant remarqué autre chose, qui la préoccupait bien plus que le jeu de séduction qu'elle jouait avec Georg. Alors qu'ils avaient déjà rejoints tous deux leur groupe d'amis dans lequel ils s'étaient intégrés tous les deux, la jeune fille emprunta le brun quelques minutes à Tom, pour l'attirer un peu plus loin.

"Bill, t'as pas l'impression d'avoir un peu forcé sur le fond de teint ce coup-ci ?"

Le brun blêmit. Il pensait que personne ne s'en rendrait compte.

"Bill." signa Lucie, inquiète. "Qu'est-ce qu'il y a eu ?"

L'androgyne ne dit rien. Il avait trop peur que cela remonte aux oreilles de Tom. Il savait que Lucie s'était liée d'amitié avec son blond, et qu'ils parlaient de lui lorsque quelque chose clochait. Si bien qu'il se méfiait un peu, il n'avait pas envie que ses petits secrets fassent le tour de leur nouveau cercle d'amis. Néanmoins, Bill savait que la blondinette garderait le secret sur les cauchemars de son ami, et toute l'atmosphère d'horreur qui régnait dans ses rêves. Elle était la seule au courant, pour la fusillade, mis à part ses parents et lui-même. Et c'était bien comme ça. Bill ne voulait pas que ça se sache.

"Putain Bill, ne me dis pas qu'il te frappe quotidiennement ?!" s'énerva Lucie en signant de plus belle.

Le brun était complètement désemparé, et ne savait que dire, que faire. Il ne voulait pas trahir son père. Malgré tous les reproches que celui-ci pouvait lui faire, toutes les gifles qu'il pouvait lui donner, Jean restait le père de son fils, et Bill l'aimait. De tout son cœur. L'amour qu'il lui portait allait au-delà d'un simple amour entre père et fils. Depuis tout petit déjà, ils avaient partagé énormément de choses ensemble, Jean se démenant toujours plus pour que son fils soit plus tard capable de se débrouiller seul dans la vie, même avec son handicap. Tous ces souvenirs, ce passé, étaient bien enfouis dans la mémoire du jeune malentendant, qui ne pouvait pas se résoudre à tout balayer comme ça d'un revers de main, "juste" parce que son père traversait une période difficile de par les changements physiques et psychologiques de son fils unique, qui le poussaient à devenir violent.

Bill avait donc été dans l'obligation de forcer sur le fond de teint, pour ne pas que cela se remarque. Manque de bol pour lui, Lucie était quelqu'un qui voyait tout. Elle avait beau être sourde, la vue quant à elle, fonctionnait parfaitement bien. Le brun n'eut finalement même pas besoin de répondre à sa question, elle connaissait déjà la réponse, et se sentit triste pour le jeune homme. Ce dernier n'avait jamais rien demandé à personne, avait toujours écouté ses parents comme un enfant modèle, et à présent, c'est comme si on le lui faisait payer. La blonde le prit dans ses bras, à l'abri des regards indiscrets, pour le réconforter. Dans cette étreinte, on trouvait une bonne dose de "ça ira mieux" et de "ça va aller". Elle espérait de tout son cœur que cela s'arrange, et elle avait peur de connaître les limites que le père de Bill s'était fixées. Peut-être parce que justement, il n'en avait pas fixé.

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Comme quasiment toutes les nuits, Bill et Tom se voyaient chez ce dernier, à l'abri de tous les regards et de tout ce que pouvaient penser leurs familles respectives. Ce cocon qu'ils s'étaient créé leur faisait du bien, pour rien au monde il ne changerait leurs habitudes.

L'Amour en Sourdine.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant