Chapitre XXIX.

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Le mois de mai avait filé à vitesse grand V, et en moins de temps qu'il n'en avait fallu pour le dire, les bourgeons des fleurs avaient éclos, les oiseaux étaient ressortis, et les fruits avaient poussé. Juin avait doucement montré le bout de son nez, et la douce chaleur matinale du début de l'été aussi. La vie de Bill et Tom n'avait pas réellement changé, depuis ce fameux soir où ils avaient décidé, après ces trois mois d'intense réflexion et de prise de recul, de continuer ensemble le petit bout de chemin qu'ils avaient abandonné. Bill vivait surtout d'amour et d'eau fraîche, un petit peu de livres, et beaucoup trop de Tom. Le dreadeux carburait à Bill, à l'amour, et à la cigarette. Tout comme avant, avec l'autre en plus. Cet autre qui instaurait en eux une certaine harmonie, une cohésion presque impensable. Tom avait trouvé en Bill un équilibre, qui lui permettait de ne pas foutre sa vie en l'air au moindre problème. Le brun était devenu son balancier, celui pour lequel il s'empêchait de faire n'importe quoi. Tous deux vivaient comme avant, avec pour simple différence qu'ils formaient désormais un couple, qui, sans compter cette rupture de trois mois, avait déjà duré presque une demi-année.

Bill s'accrochait au blond comme à une bouée de sauvetage. Le procès qu'il avait engagé contre son père, bien qu'il n'ait pas abouti bien loin, était quand même l'idée initiale de son dreadeux, qui l'avait encouragé à aller porter plainte. L'androgyne n'était pas ce genre de personnes qui allaient se plaindre pour n'importe quoi, en particulier parce qu'il détestait qu'on éprouve de la compassion ou de la pitié envers lui. Sans Tom, il n'aurait rien fait. Il aurait juste continué à encaisser tout ça, les coups, les remarques, et tout le reste. Le pire restait l'indifférence que les parents du brun avaient cultivée durant ces dernières semaines. Jean avait remarqué que lancer des remarques insultantes envers son fils à tout bout de champ ne servait à rien, ce dernier ne pouvant de toute façon pas les entendre. Il avait jugé bon de commencer à ignorer son propre sang, parce qu'après tout, rien n'était pire que l'indifférence, non ? Lisa Trümper suivait la volonté de son mari, puisqu'elle n'avait plus grand chose à dire non plus, depuis que celui-ci passait plus de temps en compagnie de sa bouteille de whisky qu'avec elle. Bill vivait très mal cette indifférence qu'on lui portait, surtout venant de la part de sa mère. Il sentait que, depuis qu'il avait fait son coming-out, quelque chose avait changé entre eux, ils n'étaient plus aussi proches qu'avant, et ce qui désolait le plus le brun, c'était que rien ne serait jamais comme avant. Pas besoin de s'illusionner là-dessus. En annonçant à ses parents sa différence, il avait brisé quelque chose en eux. Quelque chose de très futile, quand on y pense comme ça, mais de l'extérieur, cela sonnait comme si l'androgyne avait brûlé le cœur de ses géniteurs.

Bill ne parlait pas de tout ça à Tom. Pourtant, il savait qu'il devrait, que celui-ci pourrait certainement l'aider à arranger les choses, ou au moins l'aider à aller mieux dans sa tête, psychologiquement. Mais c'était précisément cela qu'il ne voulait pas : attirer l'attention, se faire aider de cette manière. Il n'avait pas besoin d'aide. Du moins, il savait pertinemment qu'il avait besoin d'aide à ce sujet, et c'était quelque chose de non négligeable. Seulement, il se persuadait lui-même qu'il pouvait s'en sortir seul, alors que ce n'était tout bonnement pas le cas. Et il savait qu'un jour, ça lui retomberait dessus. Pour l'instant, lorsqu'il était chez lui, il s'enfermait en général dans sa chambre, et lisait pendant des heures et des heures, en discutant avec Tom par sms. Lire était la seule chose qui le maintenait à la réalité, qui lui permettait encore de penser. Et un Homme qui pense est un Homme qui a la volonté de s'en sortir.

Chez Tom non plus, tout n'était pas jonquilles et papillons. Le jeune homme avait déjà tenté de nombreuses fois depuis plusieurs semaines de parler de Bill à ses parents, en vain. Chantale et Charles Kaulitz avaient cette manie de systématiquement ramener le sujet sur Marie Cécile et la perfection qu'elle incarnait dès que leur fils commençait à parler d'amour et de relations amoureuses. Tom avait déjà songé à leur faire un dessin grossier d'un bonhomme bâton avec des seins pareils à des obus – qui représenterait Marie Dondon et son superbe châssis – aux côtés d'un autre bonhomme, ayant les traits de Bill, et pas de poitrine du tout, pour leur faire comprendre une bonne fois pour toutes qu'il aimait les garçons, et qu'il ne se marierait pas avec Marie baleine. Surtout qu'en ce moment, cette dernière était plus collante que jamais. À croire que cette idée de mariage en rose poupée l'excitait – alors qu'elle répugnait plutôt le pseudo futur marié.

L'Amour en Sourdine.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant