Chapitre XX.

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Bill descendit les escaliers le cœur léger ce matin-là, il avait prévu une virée shopping avec Matt et Lucie, ce dernier ayant besoin de s'acheter de nouvelles baskets. Si le jeune homme avait bien un défaut c'était cet achat compulsif de chaussures qu'il avait dû hériter de ses années d'amitié avec Marco. Il passa dans son salon et offrit un sourire timide à sa mère qui lui rendit en époussetant son canapé, et sentit une main puissante le prendre par le bras pour le tirer d'un geste brusque.

« Bill, on doit parler »

Jean avait trouvé une nouvelle idée merveilleuse pour faire basculer son fils du côté hétérosexuel de la force, alors qu'il portait son verre de whisky à ses lèvres en soufflant. Le brun n'avait pas remarqué que son paternel avait recommencé à boire. Et surtout pas dès 10 heures du matin.

« Que ce que c'est, ça ? »

Demanda-t-il en pointant du doigt la télévision sur laquelle diffusait un stupide feuilleton romantique. Bill leva un sourcil, incrédule, et répondit en soupirant.

« Un téléviseur ? »

« Bill. »

L'androgyne se mordit la lèvre et baissa la tête, peureux face au regard menaçant de Jean.

« Un couple »

« Ok, et quel couple ? »

« Un homme et une femme. »

Signa rapidement le brun, comme si il en avait honte. Le grand blond sortit un livre de sa bibliothèque et réitéra son manège, forçant presque Bill à répondre dans son sens. Il sentait une sensation de dérangement, quelque chose d'oppressant dans ces questions pièges. Ce n'était pas qu'une simple humiliation. C'était plus que ça. Pour la première fois, Bill avait honte de ce qu'il était. Il se trouvait sale. Et son père jubilait.

« Comment on fais les enfants, Bill ? »

« Arrête, je vais y aller... »

Le brun se leva et sentit aussitôt une main puissante le pincer par le cou comme un chaton qui serait trop peu docile, main qui l'obligea à se rasseoir en tentant de cacher son visage avec ses cheveux bruns.

« Est-ce que les garçons ont les cheveux longs ? »

Questionna-t-il en s'approchant de son fils pour relever son menton violemment. Il enfonça ses ongles sales dans sa peau si fine, deux marques rouges prenant bientôt place sur la mâchoire de l'androgyne.

« Est-ce que les garçons se maquillent ? »

Il passa une main que Bill sentit presque douce sur sa joue avant de la remonter vers les yeux noircis de son fils et passer un coup rugueux dessus, frottant activement pour enlever le maquillage. Le brun ne bougea pas, stoïque face à l'humiliation, les larmes enfouies, emprisonnées par sa fierté.

« Bill Trümper, répond. »

Le brun murmura un « non » presque inaudible, une larme glissant doucement le long de sa joue meurtrie. Il se prit alors une énième gifle, réveillant douloureusement les hématomes des autres, gifle qui claque, qui fend l'air et vient s'abattre en un éclair. Il serra les dents, tandis que Lisa observait la scène, se disant qu'elle faisait ce qu'il fallait. Ils voulaient juste aider leur bébé. Ils ne pouvaient pas le laisser s'illusionner de la sorte, devenir timbré et confondre du désir purement pervers avec de l'amour. Puis Bill ne pouvait pas leur faire ça. Le père partit à grande enjambées vers la cuisine et revint avec une paire de ciseau, posant ses mains sur les épaules de son fils. Le brun tourna la tête et aperçu la lame avant de sursauter, tremblant, ses mains moites serrant son pauvre jean. Il tentait de se rappeler comment respirer lorsque sa mère lui intima de se calmer. Des images plus sanglantes, glauques et malsaines les unes que les autres lui vinrent à l'esprit et alors qu'il s'attendait à se faire découper en morceau il sentit le ciseau froid contre sa nuque, avant qu'il ne remonte, une mèche noire tombant sur le parquet. Le brun se mordit la lèvre de plus belle en sentant les larmes couler cette fois-ci, s'estimant heureux qu'ils n'aient pas sorti la tondeuse. Il regarda ses mains, un sanglot franchissant sa gorge, les gouttes s'échouant lentement sur ses genoux au fur et à mesure que les cheveux tombaient. Il se mit à penser à Tom, sans raison, pour voir. Mais rien n'arrivait à faire redémarrer son cœur. Il se dit bêtement que ce dernier l'aimerait encore moins s'il devenait moche sans cheveux. Et les larmes affluèrent, lorsque son père fini par ébouriffer ses mèches, satisfait.

L'Amour en Sourdine.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant