Chapitre VI.

430 39 18
                                    

La plage semblait immense, s'étendant sur des dizaines et des dizaines de kilomètres. Comme si elle tournait tout autour de la terre, étirable à l'infini. Les grains de sable fin s'immisçaient entre leurs orteils, les chatouillant doucement, tandis que la brise caressait leurs peaux nues. Rien n'aurait pu se dresser entre eux, alors qu'ils étaient là, face à la mer, maîtres de leur univers. Et à la fois si petits et insignifiants à l'échelle de l'espace. Le soleil se faisait rouge sanguin à travers l'horizon et seul le bruit des vagues les berçaient, discrètes et éphémères. L'écume se déposait lentement sur la plage avant de disparaitre, aussi vite qu'elle était apparue. Bill déposa alors sa bouche envieuse sur celle de Tom, laissant ses lèvres venir caresser les siennes, profitant de son piercing, tandis que le dreadeux glissait ses mains sensuellement sur lui, encore et encore. Il allait lui faire l'amour, sur ce sable, dans leur paradis, et Bill s'endormirait lentement, apaisé par les caresses, pour ne plus jamais se réveiller. Ses yeux seraient enfin clos, à jamais. L'androgyne ne cessait de trembler en s'agrippant aux fameuses dreads blondes et détachées comme il aimait, murmurant son nom en litanie. Il entendit alors Tom lui susurrer des mots doux de sa voix suave, putain qu'est-ce qu'elle était belle sa...

L'androgyne se réveilla en sursaut. 5h36. Il se frotta brièvement les yeux et les referma aussitôt tentant de s'habituer au ridicule filet de lumière qui réussissait pourtant à l'aveugler. Il avait encore cauchemardé cette nuit. Mais pas seulement. Il y avait eu ce rêve. Ce rêve qui lui laissait un goût amer dans la bouche, alors qu'il se massait le front en tremblant. Il ressentit le profond désespoir qu'on ressent lorsque le fantasme devient bien plus beau que la réalité, et par conséquent nous en éloigne toujours plus. Il ne pouvait pas garder tout ça dans sa tête. Il avait cru pouvoir enfouir ses sentiments stupides mais plus le temps passait plus il réalisait qu'il s'était trompé. Il devait absolument faire quelque chose. En discuter avec le concerné ? Non, sûrement pas. Tom le prendrait pour un pervers et ne voudrait plus lui parler. S'il avait su. De plus, aujourd'hui nous étions Jeudi. Et le Jeudi était de loin le jour le plus naze de la semaine : il ne voyait pas le beau blond et n'avait que des cours ennuyeux et surtout deux heures d'athlétisme. De plus il devait se rendre au centre commercial avec sa mère pour ne pas la laisser faire les courses seule. L'androgyne réfléchit à maintes stratagèmes tous plus impossibles les uns que les autres et en déduit qu'il avait envie d'un moment d'intimité avec Tom. C'est vrai ça, il fallait qu'il apprenne à mieux le connaître peut-être. Au lycée ? Nan, le lycée n'était pas assez intimiste pour parler sérieusement. Peut-être une nouvelle fois chez Tom ? Mais il détestait avoir l'air invasif. Alors il en vint à penser que la seule solution serait de l'inviter dans son propre chez lui. Pas besoin de prétexte, après tout ils étaient amis. Tant qu'il ne restait pas dormir tout irait bien. Oui, ne jamais inviter personne à dormir étant une des règles clés du brun après « toujours cacher le mieux possible mon handicap » ou encore « si je foire de cacher mon handicap l'assumer correctement ». Il se dit que ce n'était pas une idée si stupide que ça et se leva difficilement, en poussant un long soupir face à l'épreuve fastidieuse qui l'attendait : faire part de sa proposition au dreadeux.

L'androgyne ne voyait pas d'autres solutions pour se rapprocher de lui, puis ils étaient amis après tout. Il repensa à leur promesse et ne put effacer un sourire niais de son visage tout en se préparant, s'attardant peut-être un peu plus sur son reflet ce matin-là. Bill rejoignit enfin sa chambre et choisit ses vêtements avec soin, c'est-à-dire un jean slim qui mettait parfaitement ses cuisses et ses fesses rebondies en valeur et un sweat-shirt noir tout simple. Il saisit ses fidèles converses et les laça en vitesse avant de descendre les escaliers en trombe, signant un « bonjour » bref à son père. Ce dernier se leva pour venir déposer un baiser affectif sur le front de l'adolescent et lui tapa gentiment l'épaule.

L'Amour en Sourdine.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant