L'Amour en Sourdine.

Chapitre XV.

Bill regardait Tom, Tom regardait Bill. Tom se sentait con de l'avoir abandonné pour cette heure, et Bill lui en voulait. Tous ses rêves de grandeur s'étaient évaporés, le brun ayant réalisé qu'ils étaient tout aussi improbables que sa relation avec Tom était impossible. Le blond restait planté dans l'encadrement de la porte, regardant son brun avec anxiété. Il avait peur qu'après cet abandon, il ne veuille plus de lui. Il sentait Bill tourmenté. Cela faisait bien quelques minutes qu'il était là, et il l'avait vu dormir, ou plutôt cauchemardé. Lorsqu'il l'avait entendu gémir, il avait d'abord pensé à un rêve érotique, se ravisant bien vite en se disant que ça avait l'air plutôt douloureux, pour un orgasme. Il se frappa mentalement à ce souvenir, se rappelant à quel point il se trouvait désespérant. Mais cette petite entrave, ce petit moment secret auquel le dreadeux avait pu assister lui révélait que son brun était bien plus tourmenté qu'il n'y paraissait. Il savait qu'il y avait des choses que l'androgyne ne lui avait – sans doute volontairement – pas dites, et qu'il serait curieux de savoir. Encore une fois, c'était à Bill de se dévoiler, et il espérait pouvoir le découvrir plus amplement.

Effectivement, quand il y repensait, Tom ne connaissait pas grand-chose de Bill, mis à part le fait qu'il soit sourd, ami avec Lucie, et terriblement sexy.

Les deux garçons se sentaient tous les deux bien cons, l'un parce qu'il n'osait pas entrer de peur de se prendre quelque chose sur la tête, ou pour n'importe quelle autre raison, l'autre parce qu'il se demandait s'il ne devait pas lui dire d'entrer. Bill n'y comprenait plus rien. Pourquoi était-il là, alors qu'il n'avait pas eu les couilles de se pointer il y a exactement 1 heure et 3 minutes, à savoir 63 minutes ? 63 minutes qu'il attend comme un idiot assis à cette table, que monsieur l'amoureux-qui-ne-sait-pas-trop-où-il-en-est-parce-que-c'est-nouveau-pour-lui daigne se présenter. L'androgyne se demandait pourquoi il continuait encore à espérer quelque chose, alors que ce quelque chose devait venir d'un effort commun, et que visiblement, le seul à faire des efforts ici, c'était lui. Il aurait tellement voulu lui cracher ses quatre vérités au visage, lui dire à quel point il le détestait de ne pas savoir sur quel pied danser. Mais il était désespérément bien trop amoureux pour en vouloir à Tom de cette façon. La seule chose qu'il avait envie de faire, là, maintenant, pour exprimer sa colère, c'était le chatouiller. Pour dire à quel point Bill était une petite guimauve.

Finalement, le brun se décida, une fois de plus, à faire un pas en avant, un pas de plus vers Tom. Ce dernier comprenait maintenant la langue des signes et la parlait comme s'il l'avait parlée depuis toujours, avec quelques hésitations encore, mais pour Bill, cela représentait déjà beaucoup. Personne n'avait jamais fait l'effort d'apprendre à signer juste pour lui, ce qui le confortait tout de même dans l'idée que le dreadeux cherchait quelque chose de particulier avec lui.

"Reste pas planté là, t'as l'air con."

Tom s'exécuta alors, avançant de quelques pas, pour se planter devant Bill, cette fois. Il aurait pu s'asseoir, mais il n'en avait pas trop envie. Il s'était dit que pour se parler, il aurait été plus tranquille debout. Le blond était ce genre de personne qui préférait rester debout quitte à mourir dans cette position. Ce ne fut d'ailleurs qu'au moment où Tom s'était posté à ses côtés que le brun remarqua que sa lèvre saignait encore un peu, et que sa joue prenait une couleur étrangement bleutée. Bill se leva lui aussi, pour ainsi se retrouver à la hauteur de son blond. Il effleura sa lèvre meurtrie et sa joue douloureuse avec son pouce, l'observant avec ce genre de regards qui voulait tout dire.

"Qu'est-ce-que t'as foutu ?" signa Bill, inquiet.

Cette douce inquiétude fit sourire le blond, tout en grimaçant, car sa lèvre lui faisait souffrir. Heureusement que la plaie ne se trouvait pas au niveau de son piercing. Tout aurait été plus compliqué.