Chapitre XXXXII.

237 19 5
                                    

Le réveil hurla de sa sonnerie criarde dans tout le petit studio bordélique, éveillant l'unique habitant de cette grotte en pleine ville. Tom bailla non sans grâce, se gratta les fesses, non sans grâce une fois de plus, et appuya lourdement sur l'engin infernal. Le blond devenu brun s'étira de tout son long et s'écroula une nouvelle fois dans le lit défait. C'était comme ça tous les matins : son iPhone lui donnait la motivation de se lever en gueulant Sweet home Alabama, il ouvrait les yeux, se rendait compte de son existence misérable, et s'avachissait à nouveau sur le matelas. Un renouveau accompagné d'une constante désillusion, en fait. Il gémit qu'il n'avait pas envie de faire quoi que ce soit, comme à l'accoutumée, et fini par quitter son principal lieu de vie d'un pas chancelant et peu décidé. Il se déplaçait dans ce caleçon rouge plutôt moche, mais après tout personne n'était là pour lui faire remarquer. Il ouvrit les placards de son duplex dans l'espoir de trouver une ombre de miette de gâteau oubliée et constata avec amertume qu'ils étaient encore plus vides que sa propre vie d'ermite. Il attrapa la bouteille de jus d'orange tiède qui traînait là et porta le goulot à ses lèvres lascivement. Il porta son regard sur la rue en face de lui, dévoilée, mise à nue par sa fantastique baie vitrée.

Il avait lutté pour l'avoir, ce studio ridiculement minuscule mais avec une baie vitrée. C'est étonnant comme certaines lubies peuvent faire faire à l'homme n'importe quoi. Pourquoi prendre un logement correct mais sans baie vitrée grandiose lorsque l'on peut se contenter d'un appartement étroit inconfortable et laid mais muni de la fameuse baie vitrée. Voir le monde mais pas sa misère, voilà le propre de Tom Kaulitz. Là où ses parents auraient même opté pour une maison sans fenêtres si elle était assez grande et pleine de pièces à ne savoir qu'en faire. Il observa la ville s'agiter en dessous de lui, là où il se sentait si puissant d'avoir le regard sur autant de trucs. Il mit un coup dans le T-shirt sale à terre, sûrement un de plus perdu dans le périple qui le séparait de la chambre du jeune homme à la machine à laver, et s'avança dans la seconde et unique pièce de l'appartement. Il s'affala sur son canapé lit en grognant et entrepris de se fringuer, fatigué de la soirée de la veille. Il avait invité quelques potes à venir manger pizza devant Netflix cette nuit, à savoir que manger pizza devant Netflix était devenue une de ses activités favorites.

L'ex dreadeux enfila un sweat et un jean pour une fois slim et attrapa son pc sur le bord du divan. Des cartons de pizzas et autres canettes de bières traînaient encore partout dans la pièce insalubre, là où Tom n'y faisait pas attention. Il n'était plus obligé de ranger après tout. Après tout c'était lui qui était partit. Il observa le combiné du téléphone fixe et vit le numéro de Chantale affiché en gros. Il appuya sur le bouton du répondeur et écouta le message attentivement.

« Bonjour mon poussin, écoute je n'ai rien dis à papa sur notre reprise de contact, j'essaie d'être discrète. J'espère que tu te plais, en ville. Tu manques à ta maman. Tu verrais le petit garçon de Marie, un vrai petit ange. Je te fais des bises. »

Le bip sonore dura un peu trop longtemps aux oreilles du tressé qui soupira, la tête logée dans ses bras. Il devait penser à aller voir Marie Dondon et son horrible gosse un de ces jours. Horrible gosse qui, ceci dit, avait un sérieux avantage : il n'était pas de lui. Ses parents avaient renoncé au mariage après avoir passé un pacte dégueulasse avec lui. D'ailleurs c'était ce foutu délire qui l'avait fait perdre son petit ami de l'époque. Le brun renferma la porte de ses souvenirs pour ne plus y penser. Non, cette vie-là était terminée. Maintenant ça faisait plus d'un an qu'il vivait seul, de son petit boulot, ses potes, ses études qu'il continuait malgré tout. Il avait eu le sentiment d'avancer avant de se trouver un vide, un vide imposant qu'il n'arrivait à déterminer.

« Si tu arrêtes tout avec ce garçon nous nous engageons à annuler le mariage avec Marie Cécile »

Le tressé chassa à nouveau ces pensées si nettes encore de sa tête pleine de doutes. Il observa ses cernes dans le reflet de l'ordinateur éteint et regretta aussitôt son manque de sommeil croissant. Il fourra ses mains dans son sweat gris vieux de son adolescence et tapota une adresse sur son clavier. Il se mordit la lèvre, hésitant, et ouvrit la page Facebook qu'il désirait fouiller. Ça faisait longtemps qu'il ne s'était pas rendu là. En fait, ça lui semblait faire une éternité. Il inspira un bon coup, les paupières à demi fermées, et prit son courage à deux mains. Il se maudit de stresser pour rien et appuya rapidement sur le lien, agacé. Après tout il ne faisait absolument rien, pourquoi était-il aussi angoissé ? Il voulait juste jeter un coup d'œil, voir son visage. C'était quoi son prétexte de rupture déjà ? Ah ouais, ce dépistage. Comme si y'avais eu que ça. La pression de ses parents, plus ce truc qui avait été la bonne excuse. Il vous faut toujours une bonne excuse. Il faut toujours une bonne excuse aux lâches. A vrai dire, si t'es pas doué, même une mauvaise suffit.

L'Amour en Sourdine.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant