Chapitre XXV.

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"Bill, quelle connerie ?"

Lucie signait, paniquée de constater à quel point l'état de son ami était pitoyable. Le jeune brun planta ses yeux débordants de larmes dans ceux, inquiets de la blonde, et lui tendit simplement son téléphone. Elle connaissait tous les codes de Bill et n'eut aucun mal à déverrouiller l'appareil. Une notification apparaissait comme étant un message de Tom. Intriguée, Lucie se rendit sur la conversation, et lut avec stupeur ce que son ami avait tapé un moment avant, ainsi que la réponse toute fraîche du destinataire.

"Wow. Je pensais compter un peu plus pour toi. Ça fait mal de savoir que ça fait plusieurs semaines que je t'aime à en crever, et que je pensais partager réellement mes sentiments avec quelqu'un. T'as joué un jeu dégueulasse Bill. T'as joué avec moi, avec mes sentiments. Tu t'es foutu de moi comme si j'étais la pire des merdes. Tu cherchais quoi ? J'ai du mal à te comprendre. Peut-être qu'au final, ma mère a raison, toi et moi, on est pas du même monde. Salut."

La jeune femme leva les yeux vers l'androgyne, assis en face d'elle, sur une des chaises de la cuisine.

"T'as pas fait ça." signa-t-elle. "Dis-moi que putain, t'as pas fait ça."

Pour toute réponse, Bill se contenta de faire redoubler ses larmes, et de se répéter inlassablement dans sa tête qu'il n'était qu'un stupide con, qu'il venait de gâcher sa vie, et de perdre définitivement celui qu'il aime. Pourquoi diable avait-il fait ça ? Il cherchait la solution de facilité. Tout était tellement plus facile en prenant la fuite, en esquivant le problème plutôt que de l'affronter. Bill avait préféré se soumettre à la décision de ses parents au lieu de se battre pour Tom, à ses côtés, pour leur amour et leur relation. Il avait juste accepté. Comme on accepte un bouquet de roses. Accepté, comme tout le monde finissait par faire. Il n'était qu'un lâche. Il avait honte de lui.

Lucie, compatissante, mais terriblement déçue aussi, s'approcha du brun et le prit dans ses bras, parce que peu importe ce qu'elle pouvait bien penser, il restait son ami, le plus important de tous.

"Bill. Tu vas rester ici cette nuit, d'accord ? Mais demain, tu devras retourner chez tes parents, tu ne peux pas rester là. Ils vont s'inquiéter sinon."

"Ils s'en foutent de moi. J'ai frôlé la mort l'autre jour, quand il m'a frappé un peu trop fort. Je vomissais mes tripes par terre, j'aurais pu crever à côté, ils n'ont pas bougé d'un millimètre. Et j'ai dû nettoyer ma gerbe seul. Ils s'inquiètent pas pour moi." signa Bill, durement.

Il avait encore du mal à digérer les paroles de la blonde, au sujet du couple qu'ils formaient avec Tom. Il avait aussi compris que son père lui avait fait croire tout le contraire de la réalité, si bien que la jeune blondinette doutait, et ne savait plus qui croire. Mais pour le brun, c'était tout vu : elle ne le croyait pas. Il avait eu mal, il avait encore mal. Ses gestes étaient secs, bien placés pour faire comprendre à Lucie qu'il avait mal, et à quel point. Il se sentait trahi, vide, mais surtout détruit.

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Tom ne cessait de fixer l'écran noir de son portable, vide de toute émotion, de toute réaction. Il avait du mal à y croire, et avait senti une énorme partie de son cœur se déchirer, pour aller rejoindre le néant, les abîmes de son corps pour ne plus jamais en sortir. Tout semblait encore si superficiel. Pour lui, il était 23h passées, il était en compagnie de la famille la plus chiante qui puisse exister et échangeait par texto mille et une remarques malsaines et déplacées à leur sujet. Seulement, quelque chose clochait à présent dans cette conception de sa vie telle qu'il pensait la vivre maintenant. Il ne pouvait plus échanger de textos.

Le blond réalisa. Il comprit qu'il venait de perdre Bill parce que celui-ci était le dernier des idiots. Le rêve dans lequel il s'était embarqué tout seul, allant même jusqu'à ses désirs de mariage avec le brun éclatèrent en mille morceaux, pour venir se planter un par un dans ce qu'il restait de son cœur déjà en miettes, le poignardant toujours un peu plus. Il réalisa à quel point la douleur était vive et intense, à quel point il avait mal. Il aurait eu envie de hurler, de taper contre les murs, de s'arracher ses dreads une par une et s'étrangler avec. Mais il ne pouvait pas, parce qu'il était coincé avec toute sa famille de l'autre côté du mur, et qu'il commençait à devenir un peu long pour un simple pipi. Il aurait eu envie de s'enfiler tout un paquet de clopes entier, pour oublier à quel point il était con et désespéré. L'amour l'avait rendu comme ça, con et désespéré. Le dreadeux souffla, et regarda son reflet dans la glace, et se retint mentalement d'y mettre un poing. Il était énervé, dévasté, troué de partout. Il se sentait immensément vide, et en même temps immensément rempli d'une tristesse infinie. Pour la première fois depuis longtemps, il vit, à travers le miroir, une larme perler au coin de son œil, et rouler le long de sa joue, ouvrant la voie à une deuxième, puis une troisième, puis une multitude de larmes, restées trop longtemps bloquées en lui. Tom faisait le gros dur en apparence, mais cette apparence commençait à le saouler. Lui aussi avait un cœur, merde. Il essaye de se calmer, refoula les larmes suivantes, et s'essuya les joues du revers de la main, presque rageusement. Il se passa de l'eau sur le visage, histoire de cacher un peu la misère, tira la chasse d'eau pour simuler le fait qu'il avait terminé, et inspira un grand coup avant de sortir, et regagner la salle à manger, où personne n'avait bougé de sa place. En voyant cette routine si empoisonnée, Tom n'avait qu'une seule envie, pleurer encore un peu plus. Le jeune homme savait exactement comment allait se dérouler la suite de la soirée.

L'Amour en Sourdine.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant