Chapitre XXI.

265 25 13
                                    

Bill ouvrit les yeux, difficilement. D'abord, il crut voir Tom, et il se dit que ça ne pouvait pas être ça. Après plusieurs jours à ne plus se parler, Tom n'avait pas le tempérament de quelqu'un qui pardonne tout si facilement. Ça devait sûrement être un nouveau cauchemar qui s'ajoutait aux autres, dans quelques minutes il allait voir son homme se transformer en un monstre hideux, qui se jetterait sur lui pour lui lacérer le visage, le griffer à sang jusqu'à ce qu'il ne ressemble plus à rien. L'autre solution serait que Tom prenne soudainement la forme de ce terroriste, qui lui avait foutu sa vie en l'air en appuyant sur sa gâchette. Ce visage si jeune, Bill s'en rappellerait toute sa vie. Ce gosse, à peine plus vieux que lui aujourd'hui, qui avait craché sur la vie de tous un tas de familles, "pour la gloire de Dieu". Le brun s'attendait à voir arriver ce qu'il s'imaginait, seulement, le dreadeux ne bougeait pas. Il souriait simplement, caressant le front de Bill avec son pouce.

Il vivait entre deux mondes, en léthargie, sans se rendre compte que visiblement, il était à côté de la plaque. Tom passa sa main sur la nuque gelée de son homme. Et là, déclic. Il se souvint de tout. De son père, de l'humiliation qu'il avait subite, des ciseaux, glissant contre sa nuque, le brisant toujours un peu plus alors que ses cheveux tombaient en tas au sol. Les claques qu'il s'était prises. Celle, plus violente encore, qu'il avait reçue face à son reflet dans le miroir. La baignoire... Avait-il vraiment eu envie de se tuer ?

Il regarda Tom un instant, et les larmes coulèrent une nouvelle fois. Il se rassit en tremblant, et fixa son pauvre corps tout amaigri, tacheté de marques violacées, remarquant alors qu'il était nu. Ses jours prirent soudain une teinte bien rougeâtre, alors qu'il se demandait combien de temps il avait passé là, nu dans les bras du blond, allongé sur le petit tapis de la salle-de-bain insalubre. Bill leva sa main en direction de sa serviette, bien qu'il soit trop faible pour l'attraper. Tom saisit le drap de bain et enroula le brun avec du mieux qu'il pût.

"Mon cœur, ça va ?" signa-t-il ensuite, inquiet pour son androgyne.

Ce dernier hocha simplement la tête, sans chercher à parler plus. Il devait être quelque chose comme minuit et demi, il venait de passer plus de deux heures, peut-être même trois, puisqu'il était tombé inconscient, dans cette eau gelée. Il n'était plus capable de rien.

"Bouge pas, je...je reviens ok?" signa précipitamment le blond avant de se lever.

Il revint quelques instants plus tard, prit le brun dans ses bras et l'emmena jusqu'à la chambre, où il l'habilla, toujours très maladroitement, avec ce qu'il avait trouvé de plus chaud dans la penderie de Bill. Il l'allongea dans son lit, et s'allongea à ses côtés, passant rapidement sa main dans les cheveux désordonnés et mal coupés de son brun. Ce silence apaisait Bill, même s'il avait du mal à comprendre pourquoi il s'était retrouvé à poil dans les bras du blond alors que le jour d'avant ils ne se parlaient plus, ou très peu. Il soupira de bien-être, se sentant soudainement mieux. Le blond se redressa en s'appuyant sur son coude, fixant son brun avec tendresse.

"Ça va mieux ?" demanda-t-il en langue des signes.

L'androgyne hocha la tête en souriant légèrement, comme un remerciement silencieux. La pièce redevint calme, vide de tout mouvement. Tous deux se regardaient, les yeux dans les yeux.

"Qu'est-ce qu'il s'est passé ?" questionna alors le dreadeux.

Le brun le regarda, les yeux avides de tristesse. Il ne voulait pas répondre, ne voulait pas en parler. Ce que lui a fait subir son père était bien trop humiliant pour en parler. De toute façon, même si c'était Tom, il détestait qu'on se préoccupe de lui de cette manière-là. Il avait horreur de ça, être le centre de l'attention.

L'Amour en Sourdine.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant