Chapitre IV.

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Une semaine était passée depuis la dernière interaction entre les deux lycéens, le projet ne se déroulant qu'un lundi sur deux. Semaine de torture psychologique pour l'un et d'ennui bourgeois et mortel pour l'autre. Seulement, là où leurs vies n'avaient rien en commun, une seul petite chose les liait indéniablement : aussi étrange que cela puisse paraître, ils pensaient l'un à l'autre. Bill était occupé à relire un de ses nombreux livres, en position de poirier sur son lit défait. Les images de la veille se superposaient au détail du papier fin et de l'écriture ciselée, alors qu'il espérait oublier ce qu'il s'était passé. Il avait fait une crise. Il avait déjà connu ce genre de comportement lorsqu'il était angoissé, mais jamais aussi fort et de manière aussi violente. Tout ça pour la simple et bonne raison qu' « hier » nous étions le 3 mars, et que le 3 mars était sûrement titré le « pire jour de sa vie » dans son esprit, et ce pour toujours. Le jour où il avait causé la mort de ses camarades. Bill se mordit la lèvre pour ne pas pleurer, se refusant à le faire depuis sa petite enfance. Alors il ne pleurait plus. Il soupira d'aise en continuant de lire l'histoire d'amour qu'il avait commencé, trouvant que quelque chose clochait au fil des pages. Plus l'androgyne lisait plus il se rendait compte que les protagonistes avaient quelque chose qui ne lui plaisait pas, ne lui correspondait pas. La scène du baiser. Après 15 chapitres. Bah putain enfin. Bill se mordilla la lèvre en continuant de retracer l'histoire de Monica et John, une vision aussi délicieuse qu'interdite lui venant à l'esprit. Il s'imagina lui aussi embrasser quelqu'un, sous la pluie de novembre, alors que ce quelqu'un lui aurait prêté romantiquement son imperméable quelques minutes auparavant. Il glisserait sa main dans son cou, toucherait sa peau douce, et laisserait ses lèvres fondre sur les siennes, tandis que Tom... Tom ?! Le brun se gifla mentalement et manqua de faire tomber son livre en plein sur sa figure étant donné sa position plutôt farfelue.

Il se frappa le front en s'auto-signant « petit con » et rit de sa bêtise, seul. Ça lui plaisait. Plus il y pensait, et plus cette situation lui plaisait. Puis il pouvait continuer à rêver ainsi éternellement, peut-être qu'un jour le rêve remplacerait le cauchemar. Oui, et si il idéalisait le dreadeux tant mieux, il tenait à ce que tout ça reste bien caché dans ses pensées les plus secrètes. De toute façon, concrètement, il n'avait besoin de personne. Il reposa le navet sur sa table de nuit et éteignit la lumière alors que sa porte venait de s'ouvrir lentement.

- Bill ?

Il réussit à lire son prénom sur les lèvres de sa mère qui venait d'entrer, ses cheveux noirs de jais accrochés en un chignon serré sur le dessus de sa tête. Ses pieds qu'il devinait fatigués et douloureux à cause de ses talons étaient enveloppés dans de grosses chaussettes de laine qui contrastaient avec sa tenue de réceptionniste. Elle avait fait des études dans l'hôtellerie et travaillait dans un grand restaurant pas très loin, son travail consistant d'après l'androgyne à rester debout avec des chaussures qui font mal au pieds et sourire hypocritement à des gens trois fois plus riches qu'eux.

« Tu vas bien mon chéri ? »

Signa la jeune mère, lorsque son fils répondit à l'approbatif. Elle sourit en s'asseyant sur le bord du matelas, caressant doucement ses cheveux. Bill rit et repoussa gentiment sa main avant de signer à son tour.

« Je suis plus un enfant »

La mère leva les yeux au ciel et déposa un baiser sur son front avant de sentir la main de l'adolescent la retenir par le bras.

« Je t'aime »

Elle regarda les signes, attendrie, et caressa une dernière fois sa joue blanche avant de laisser son fils seul, dans le noir de la chambre. Bill ne communiquait pas vraiment avec ses parents, mais aimait les moments intimes avec sa mère de temps à autre. Et elle avait l'avantage d'être aussi pratique qu'un journal intime, étant donné qu'il pouvait absolument tout lui dire. Même lorsqu'il s'était fait pipi dessus à une répétition de chorale en CM1. Il préféra zapper ce souvenir de sa mémoire et gémit en enfonçant sa tête dans ses coussins, les yeux grands ouverts. Ça allait encore être au jeu de qui du sommeil ou de sa conscience le laisserait tranquille en premier. Il laissa sa respiration se faire de plus en plus lente, emporté dans le coton, ses paupières se fermant tout doucement.

L'Amour en Sourdine.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant