Chapitre II.

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La professeure d'allemand - qui, à en juger son petit visage rachitique et creusé devait avoir pas loin de 200 ans, d'après l'estimation de Tom - entra ce matin-là avec une vivacité et une allégresse qui surprit les élèves du lycée, levant tous des têtes endormies vers cette dernière. Du moins, presque tous.

- Aujourd'hui nous allons parler d'un sujet très important ! Monsieur Kaulitz, on se réveille, je sais que vous avez dû passer une nuit palpitante à jouer mais là nous sommes en cours.

Le cours d'allemand était supposé être l'équivalent de la sieste dans le programme du dreadeux, qui gémit bruyamment en recevant un coup vif de règle sur le bout des doigts qui déclencha le rire dans toute la salle. De plus, il aurait adoré avoir réellement passé toute sa nuit à geeker sur son PC sans personne pour venir lui clamer d'éteindre la lumière et de se coucher tôt car « demain il y a école et la ô combien jolie et fantastique Marie-Cécile ne devait pas le voir avec des yeux fatigués et globuleux ». Il se gratta nerveusement la nuque et observa la vieille pie continuer son discours, écrivant en lettres cursives et pointues au tableau :

« La différence »

Le blond haussa un sourcil et se demanda pourquoi on venait l'emmerder de bon matin avec des sujets bateaux moralisateurs et stupides. Il remit sa tête dans ses bras, résigné à finir sa nuit durant le reste de l'intervention. Seulement quelqu'un semblait en avoir décidé autrement et la craie qui grince d'un son aigu et âcre sur l'ardoise le réveilla en sursaut, affichant une somptueuse grimace. La démone sourit en recoiffant d'un geste rapide et précis son chignon de cheveux blancs et continua ses explications d'un ton enjoué.

- Nous allons travailler dans le cadre de ce projet en collaboration avec la classe ULIS...

- C'est pas les triso, ça, les ULIS ?

Questionna Mandy, qui mâchait un chewing-gum bruyamment, si bien qu'on l'entendait de l'autre bout de la salle, tout en faisant des boucles de ses cheveux blonds décolorés. Mandy était ce genre de peste de film américain, en grandeur nature avec des seins moins gros et un QI encore plus réduit. Le dreadeux n'avait pas particulièrement d'affinités avec elle mais devinait avec ses regards aguicheurs - et d'une indiscrétion hors pair - que ce n'était pas le cas de la jeune fille.

- Qu'est-ce qu'elle est con, celle-là.

Marmonna Georg à son voisin de table, qui n'était autre que Tom, qui luttait pour garder les paupières ouvertes et le cerveau allumé. Le blond acquiesça tout de même, griffonnant des usines de pommes de terre enflammées dans son cahier de brouillon puérilement. Il était de savoir populaire que les deux garçons étaient inséparables depuis la seconde, s'étant rencontrés par hasard dans le réfectoire. Depuis les deux adolescents ne s'étaient plus quittés. Le blond avait toujours eu besoin d'une personne posée et lucide comme Georg pour l'équilibrer, ce que ce dernier faisait inconsciemment avec brio.

- Les élèves malentendants, mademoiselle Ritcher. Et vous serez collée deux heures.

Le blondasse souffla son mécontentement en marmonnant un juron à l'intention de la professeure, qui reprit, l'air de rien.

- Nous allons donc coopérer avec eux pour l'écriture d'un article sur le thème de la différence et de la tolérance, ainsi qu'une thèse complète et rédigée en allemand.

- Merde... ça craint. Le seul truc que j'sais dire en allemand, c'est « connard ».

- Tom, ça va faire 5 ans qu't'en fais quand même.

Renchérit Georg en riant aux bêtises de son meilleur ami, la tête dans son cahier qu'il tentait de classer en vain.

- Vous formerez des groupes de deux et aurez jusqu'à la fin de l'année pour ce projet, et par la même occasion approfondir votre apprentissage de la langue des signes.

L'Amour en Sourdine.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant