Passons aux choses sérieuses...

Kate : L'invitation

Lorsque j'entre chez Ethan, je suis d'abord étonnée par la profusion de couleurs. Tout est très chic, très moderne, très bien assorti. Même les couleurs flashys ne choquent pas. Au contraire, elles​ donnent à chaque pièce une personnalité, une ambiance différente. Je suis fan ! Au début, il n'y a personne, jusqu'à ce qu'Ethan avertisse ses parents d'un retentissant "On est là !". Une femme se précipite à notre rencontre. Elle est jeune, belle, blonde, bien habillée, et elle me salue, me propose de l'appeler par son prénom, et me pose des milliards de questions. Est-ce que je vais bien, comment je m'appelle, quel âge j'ai, et j'en passe et j'en oublie. C'est gentil. Un peu brusque, mais gentil.
Elle se dirige dans le salon tout en continuant à me parler. Une immense télévision couvre un mur entier... C'est déconcertant, c'est le moins qu'on puisse dire. On s'assoit sur les canapés, et le père d'Ethan vient me dire bonjour. Il a exactement les mêmes cheveux qu'Ethan, la même forme de visage. Oui, quand je vois Ethan à côté de ses parents, c'est comme une addition mathématique. Le résultat est évident. Est-ce que ça fait la même chose avec mes parents et moi ?
Le père d'Ethan (Gaspard, de son prénom) repart en cuisine et nous nous installons à table. Il revient avec quatre verrines joliment présentées sur un plateau. Qu'est-ce que c'est...? À vue d'œil, saumon fumé, avocat et fromage blanc. Non, pardon, au goût, ça ne peut être que du yaourt à la grecque. Je goûte méticuleusement tout ce que je vois, distingue de l'aneth qui assaisonne le tout, et je fais mon constat à Gaspard. Il est surpris, et me demande ce que je veux faire plus tard. Critique gastronomique, quelle question ! J'adore écrire, et j'éprouve un grand plaisir à décomposer chaque plat avec minutie pour mieux le savourer. Il me donne des conseils, me propose son aide pour mes études, mais ça me gêne plus qu'autre chose. Je ne veux pas le déranger, il doit avoir un travail de folie ! Les parents d'Ethan me regardent comme si j'étais la 8ème Merveille du Monde. Je suis légèrement plus détendue quand ils continuent de me parler et que la suite arrive. Le repas s'achève rapidement. Pour une fois, je ne passe pas trois heures à table à m'ennuyer.

- Tu veux que je te raccompagne chez toi ?, me demande Ethan.

C'est exactement ce que j'attendais. Il est tellement gentil et prévoyant !

- Oui, s'il te plaît.

Je reprends mes affaires et Ethan part dans sa chambre chercher un manteau. J'enfile ma veste et je suis sur le point de partir lorsque je me rends compte que depuis tout à l'heure, il y a une photo qui attire sans cesse mon regard. Je m'avance vers le cadre photo posé sur une étagère, comme possédée. Sur cette photo il y a un couple. L'homme serre la femme contre lui. Dans leurs regards, dans leurs gestes, il y a de l'amour. Tout dans leur attitude montre qu'ils s'aiment. Sauf que ce n'est pas ça qui m'interpelle. Cette femme, on dirait... moi. Les mêmes cheveux noirs, le même visage, il n'y a que mes yeux qui changent. Mes yeux sont bleus foncés, presque noirs, comme ceux du jeune homme qui la serre dans ses bras. Est-ce qu'ils sont de ma famille ? J'interpelle timidement Gaspard.

- Excusez-moi, les personnes sur la photo, est-ce que vous pouvez me dire qui c'est ?

Gaspard a les yeux plus sombres, d'un coup.

- Ce sont mes meilleurs amis. Nous étions au lycée ensemble. Ils se sont mariés, mais ils sont décédés il y a douze ans. Ils ont été assassinés et on n'a jamais retrouvé celui qui les avait tués. Aujourd'hui, je cherche encore, parce qu'ils me manquent... Mais je ne devrais pas parler de choses tristes comme ça, se rattrape-t-il soudain.

Il a l'air vaguement mal à l'aise, et ça me trouble. Est-ce qu'il sait ? Est-ce qu'il a remarqué que cette photo m'intrigue ? Je profite d'un moment d'inattention de sa part pour photographier la photo avec mon portable. On verra ça plus tard, au pire.