Une nuit blanche ?

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Kate

- Un problème, mademoiselle ?, m'interroge une voix féminine.

Je tourne la tête vers le fond de la galerie d'art. C'est la vieille femme de Montmartre, celle qui avait fait mon portrait, celle avec qui j'aimais bavarder le mercredi après-midi. Elle est accompagnée d'un homme, au comptoir, qui cherche sûrement à régler le prix d'une toile. Je ne crois plus aux coïncidences, au point où j'en suis. Je reprends mon souffle, soulagée, et j'ose enfin sourire.

- Je suis poursuivie.

- Eh bien, s'étonne la vieille dame, j'ai beau avoir eu un certain nombre de clients, c'est la première fois qu'une jeune fille poursuivie atterrit dans ma galerie.

Soudain, une personne essoufflée de me courir après pousse la porte du magasin. Je me retourne, avant de lancer un regard désespéré à la peintre.

- Kate !, s'exclame une voix que je connais trop.

Ethan pâlit en voyant la propriétaire des lieux.

- Nous nous connaissons tous plus ou moins, apparemment, ironise la peintre.

- Pas moi, proteste l'homme au comptoir.

- Effectivement, pas vous, reconnaît la vieille femme, les yeux pleins de malice.

- Je dérange, peut-être ?, hasarde Ethan.

- Pas du tout, lui rétorque la peintre avec un air doucereux. Vous voulez boire quelque chose ? J'ai fait du café.

J'ai du mal à comprendre si ses phrases sont ironiques ou pas. Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'homme, Ethan et moi sommes interloqués. Surtout Ethan et l'homme, d'ailleurs. Ethan se ressaisit assez vite, et m'interpelle.

- Kate ! Il faut qu'on parle.

Le pire, c'est qu'il a raison. Un sourire triste apparaît sur mes lèvres.

- Tu te souviens quand tu m'as emmenée au dessus du dôme du Sacré-Cœur ?, demandé-je.

Je continue à parler en voyant Ethan hocher la tête.

- C'était la plus belle soirée de ma vie. Nous nous sommes embrassés puis tu m'as dit que tu m'aimais. Je n'y crois plus. Je suis vraiment désolée...

- Tu ne vas pas me dire que tu es jalouse ???, s'étonne-t-il. C'est à cause de la fille de tout à l'heure ?

Je hausse les épaules. Ça n'a plus d'importance, de toute façon.

- C'était une touriste, juste une touriste, précise Ethan. Elle est canadienne, et comme je ne partirai pas au Canada, j'ai trouvé ça étonnant. Je ne veux pas qu'il y ait de malentendus entre nous. Tu me manques, Kate. Je suis complètement perdu, je n'arrive plus à vivre sans toi.

Ses aveux me font sourire sans m'en rendre compte. Je sens les deux paires d'yeux des adultes posées sur nous. Il faut qu'on parte, tous les deux. Je prends Ethan par le bras et, tout sourire, je prends congé de la peintre et de son client un peu trop curieux.

- Encore désolés pour le dérangement, m'exclamé-je. Bonne fin d'après-midi, au revoir !

Nous sortons de la galerie d'art, bien que ses occupants soient encore sous le choc. J'aperçois le Sacré-Cœur et, bien qu'il m'évoque des souvenirs relativement agréables, je veux respirer. J'ai une idée en tête : quitter Montmartre pour trouver un lieu neutre, nouveau. Pourquoi pas Beaubourg ? Je me rappelle d'un endroit où j'adorais aller auparavant. À la fois un café et un marchand de glaces où j'allais avec mes parents, mes vrais parents. Un endroit où les gaufres sont croustillantes et recouvertes de gianduja. Un endroit magique où vos parents vous dévorent du regard, comme si vous étiez leur seule nourriture. C'est ça, mon dernier souvenir de Paris avec mes parents. Je jette un dernier coup d'œil au Sacré-Cœur avant de regagner une station de métro, Ethan à mes côtés. Il ne parle pas. De temps à autre, il me jette un coup d'œil interrogatif et confiant.

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