Ethan : Nous manquons de temps

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Le père d'Apolline porte sur nous un regard d'une fixité infinie et troublante, si troublante que je manque laisser Kate tomber dans l'eau salée. Cet homme me dévisage, il me met mal à l'aise. Il me fait presque peur. Il n'y a pas de quoi, pourtant. L'oncle de Kate n'a pas l'air d'un gangster, d'un pickpocket ou d'un mafieux. Il est bien habillé, de manière assez chic. Sa veste de costume vole avec le vent, sa chemise est bien repassée et son jean impeccable. C'est peut-être sa perfection qui m'effraie.

Kate quitte mes bras et sort de l'eau à la rencontre de son oncle. J'espère que tous les oncles de Kate ne sont pas comme Alden, soit dit en passant. Le père d'Apolline s'avance lui aussi, et demande à Kate :

- Kate ? Tu te souviens de moi ? Je suis le frère de ton papa, je suis Tonton Jérôme, tu te souviens ? Dis-moi que tu te souviens, s'il te plaît, ça fait tellement longtemps que je veux te voir, l'implore-t-il. Dis-moi que tu te souviens...

Kate plante ses yeux bleu profond dans les siens, cet océan où parfois je me perds. Jérôme lui tend la main, à laquelle Kate s'agrippe, pour finalement plonger dans ses bras. Jérôme la serre fort contre lui, on sent qu'il tient à elle, qu'il est ému et heureux.

Kate est dans ses bras...

Il y a quelques minutes, elle était dans les miens.

Je crois que je peux enfin mettre les mots sur mes peurs. J'ai peur que Kate s'éloigne de moi pour se réfugier auprès de sa famille. J'ai des sueurs froides à cette pensée. Elle redécouvre, en quelque sorte, chaque membre de sa famille qu'elle a perdu autrefois. Ça prend un certain temps avant qu'ils ne soient aussi proches qu'il y a douze ans, ça lui prend même tout son temps. Il ne lui en reste presque plus pour moi. J'ai peur qu'elle m'oublie. Je n'y peux rien, cette jalousie me ronge malgré moi. Il ne manquerait plus qu'elle se découvre un cousin fan de musculation, et je suis définitivement condamné aux oubliettes.

Apolline, assise sur sa serviette de plage face à moi, m'adresse une moue dubitative, un point d'interrogation dans les yeux. Ça se voit tant que ça ? Kate se dégage de l'étreinte de son oncle, l'air comblé. Jérôme, sorti de son déluge d'émotions, nous regarde tous, chacun à notre tour, Kate, Apolline, moi, et à nouveau Kate en face de lui. Il s'exclame, comme s'il s'agissait d'une évidence :

- Il faut que vous veniez manger à la maison ce midi !

- C'est ce que je leur ai proposé tout à l'heure, lui rétorque Apolline.

Jérôme se retourne pour la congratuler.

- Tu as bien fait, ma chérie.

Puis il s'adresse à Kate et moi.

- Vous vous séchez et on rentre à la maison ? J'ai des serviettes dans le coffre. Ça vous dit ?

Kate m'interroge :

- Ça ne t'ennuie pas, Ethan ?

- Non, non, je grommelle en sortant de l'eau.

Il faut dire que "Tonton Jérôme" nous a un peu forcé la main. Je croise les doigts pour qu'il n'y ait pas de cousin musclé au repas, sans quoi je serai comblé. Nous nous dirigeons vers la voiture de Jérôme, un peu trop vite à mon goût. C'est ça qui m'ennuie : ça va trop vite, et il faut se rendre à l'évidence.

Nous manquons de temps.

Nous manquons de temps

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