Ethan : Je m'en vais

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- Kate ? Il va falloir qu'on parle.

Cette phrase est sans appel. Kate se retourne vers moi avec lenteur. Dans ses yeux, je peux lire de l'inquiétude.

Parler.

C'est ce qu'on aurait dû faire depuis le début. Parler. Mais nous n'y sommes pas arrivés, ni l'un, ni l'autre. Nous aurions dû nous y attendre. J'aurais dû m'y attendre. Une fois Kate avec sa famille, je passe carrément au second plan. Qu'envisage-t-elle alors de notre couple, si du moins nous en formons un ? Nous aurions dû savoir ce que nous attendions de la suite, et même ce que nous attendions de nous-mêmes.

Nous n'avons même pas su nous parler.

Kate est vraiment inquiète, et à cet instant précis j'aimerais la prendre dans mes bras et me dire que nous ne sommes que tous les deux, que rien n'a changé entre nous. Ce serait faux. À la place, je lui tends un sourire fatigué qui se veut convaincant, mais qui n'a pas vraiment l'air de la convaincre.

Je crois que je vais amèrement regretter ce que je vais lui dire tout à l'heure. Je crois aussi que je n'ai pas le choix.

- Ne t'inquiète pas, Kate, j'aimerais juste qu'on puisse parler ensemble tout à l'heure.

- Tu vas bien ?, me demande-t-elle.

- Oui, oui, ne t'inquiète pas.

Et un mensonge, un.

Kate revient vers sa cousine tandis que Sacha me regarde d'un air suspicieux. Je ne l'aime pas, celui-là, je ne le sens pas du tout. Sacha, c'est un peu la goutte d'eau qui fait déborder le vase. C'est ce que j'espérais ne jamais voir, et c'est arrivé. Peut-être que je commence à regretter d'être venu. Je n'ai jamais eu autant de mal à feindre la différence, à faire comme si tout glissait sur moi et ne pouvait pas m'atteindre.

C'est fini.

Demain après-midi, j'aurais emmené Kate avec moi, nous serions allés à la plage, nous nous serions promenés et nous aurions été seuls, rien qu'elle et moi. Je lui aurais fait une surprise, je lui aurais parlé de nous, je lui aurais demandé...

Je voudrais savoir si elle m'aime toujours.

Je l'aime bien plus que tout, que n'importe qui. Je n'ai pas de mots assez puissants pour lui dire à quel point. J'ai terriblement peur qu'un jour elle cesse de m'aimer, surtout si c'est pour se tourner après vers un garçon comme Sacha. Sacha a les yeux rivés sur Kate, et ça me donne l'impression d'être de trop.

Je sais que Kate parle avec Jérôme et Apolline. Je sais aussi que Sacha est beaucoup trop absorbé dans la contemplation de Kate pour participer à cette conversation. Ni lui ni moi n'y prenons part. Je regarde un à un les membres de la famille de Kate : d'abord Jérôme. Un peu snob avec sa chemise bien repassée, il commence légèrement à me taper sur les nerfs à force de m'appeler Gaspard. Apolline ensuite : elle est jolie, gentille, clairement adorable et accueillante. Elle est irréprochable. Sacha enfin, le cousin d'Apolline. Nous avons beau ne pas nous connaître, je ne lui ai jamais adressé la parole, plus je le regarde et plus je le déteste. Je ne regretterai pas ma décision, finalement.

Une femme sort de la maison en courant, Esther sur ses talons. Elle est essoufflée, décoiffée, un tablier attaché à la taille. Florence, c'est sûrement Florence. Son regard se pose en douceur sur chacun de nous, pour s'arrêter sur Kate, qu'elle prend dans ses bras.

- Je suis tellement contente que tu sois revenue à la maison, ma chérie.

Elle arrête de parler, la voix rompue par l'émotion, puis plonge ses yeux dans les miens.

- Toi, tu es Ethan, le fils de Gaspard et Laëticia, n'est-ce pas ? Arthur nous parlait souvent de vous avant...

Son sourire ému en dit long sur ses pensées. Florence est adorable, comme sa fille. Elle nous presse tous dans la maison, nous fait prendre l'apéritif dans l'ambiance la plus détendue possible. La tante de Kate est super, je l'adore, mais je profite d'un moment où tout le monde est éparpillé pour prendre Kate à part. Nous nous réfugions dans le salon de jardin, où je lui annonce ma décision peu à peu.

- Kate, je suis super content que tu aies retrouvé ta famille, que tu t'entendes bien avec Apolline et que tu aies décidé de passer plein de temps avec eux mais...

- Mais ? Ça ne va pas, Ethan ?

La réponse de Kate sonne comme une protestation. J'ai peur et je continue.

- Mais je me sens de trop. Je ne veux pas que tu sacrifies du temps pour moi en sachant que tu en passes moins avec ta famille, parce que tu ne les reverras pas avant longtemps et que tu prendrais moins de plaisir à le passer avec moi. Je t'aime, Kate, mais je vais partir. Je vais rentrer à Paris et je vais te laisser seule avec ta famille. On se reverra après si tu veux qu'on se revoit, mais pour l'instant ce n'est pas ce que tu veux. Je vois bien que je suis une entrave pour toi en ce moment, mais c'est mieux comme ça, d'accord ?

- Quand... quand est-ce que tu as pris ta décision ?, s'enquiert-elle en bégayant doucement.

- Tout à l'heure, quand Jérôme est arrivé.

Kate s'effondre sur le canapé, le visage entre les mains. Je la vois trembler, j'ai peur qu'elle fasse un malaise à cause de moi, j'ai peur qu'elle se sente mal, alors je me rapproche d'elle en lui tendant la main, mais elle me repousse d'une phrase.

- Non ! Ne me touche pas. S'il te plaît, me supplie-t-elle.

Ce n'est pas ça que je voulais. Je ne voulais pas qu'elle pleure. Je jette un coup d'œil à Apolline, cachée près du bow window, qui me réponds d'un air compatissant, et je fais demi-tour vers l'entrée de la maison.

Je m'en vais.

Je m'en vais

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