Gaspard : Réflexion

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Je crois qu'Alden a raison. Je sais trop de choses, beaucoup trop de choses. Pendant douze ans, je me suis réveillé chaque matin avec la même idée en tête : trouver l'assassin de mes meilleurs amis. Toutes mes recherches, tout m'a amené à Alden. Irrémédiablement, je revenais vers lui. J'ai tout repris dès le début, nos débuts. Les parents, l'école, les études, les métiers exercés, les entreprises et les enfants. J'avais dressé un portrait précis de chacun de nous. Identité, lieu de naissance, de résidence, tout y est passé. J'ai essayé de créer des liens entre nous, de percer des secrets jusque là ignorés. Et Alden Berkeley m'a particulièrement donné du fil à retordre.
J'avais tout d'abord comparé nos familles et nos réussites, comme un enfant jaloux. Nous venions tous de familles aisées. Nous étions très proches les uns des autres dans notre petit groupe d'amis. Jusque là, aucun problème. Mais, étrangement, j'avais noué légèrement moins de liens avec Alden. J'éprouvais une immense admiration pour Arthur qui, bien qu'il haïssait ses profs, mettait une hargne folle à décrocher les meilleures notes en sciences pour devenir neurochirurgien. Laura était mon amie depuis toujours, ma meilleure amie. J'ai plus d'une fois rêvé de la prendre dans mes bras et de goûter à la douce saveur de ses lèvres, mais je n'ai jamais eu ce cran. Elle allait mieux avec Arthur, de toute façon.
Alden était le petit frère de Laura, le plus jeune, le petit, le mal-aimé, le mis à part. J'exagère peut-être, mais pour rien au monde je n'aurais cédé ma place contre la sienne. Ses parents fondaient tous leurs espoirs sur sa sœur, et il en souffrait. Pourtant, c'est lui qui a le mieux réussi, je pense. Il a monté sa propre entreprise de drones. Ça a mal démarré, il a fait plusieurs emprunts et j'ai découvert quelques dettes de sa part, mais grâce à ses idées modernes et innovantes, il a eu le privilège d'être le soutien économique du Ministère de la Défense. Laura était très heureuse pour lui. Qui ne l'aurait pas été ? Il avait réussi là où nous aurions tous échoué. Berkeley Company, son entreprise, était sa fierté.
Au fil du temps, nous étions devenus parents. Pas Alden. À son grand désespoir, d'ailleurs. En allant voir des dossiers médicaux des collègues d'Arthur, j'ai compris pourquoi. Sa femme, bien qu'il la chérisse, était stérile. J'ai soudain compris pourquoi, dans les jardins d'enfants, Julia était triste, prostrée sur son banc. Difficile de voir des enfants sourire en se poursuivant quand on sait qu'on ne peut pas en avoir... Alden tentait de le dissimuler, mais voir Kate et Ethan le rendait complètement fou. Tellement fou... Tellement fou que je pense qu'il a craqué.

 Tellement fou que je pense qu'il a craqué

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