Kate : Train de nuit

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Ça aurait pu se terminer ainsi. Le prince et la princesse, enfin réunis, qui partent ensemble en carrosse, comme dans les contes de fées. Une belle image, je trouve. Du moins je trouvais. Cette image aurait été fausse, irréaliste, trompeuse. Cette image aurait été un mensonge. Les petites filles sont toujours émues et ravies lorsque le couple princier s'enfuit du royaume vers de nouveaux horizons, mais le sont-elles toujours lorsque les deux époux en reviennent ? Cette question me taraude, tandis que le train s'évade de cette gare sublimement triste. Ce voyage est plein de promesses. Il ne faut pas trop y croire : certaines ne se réaliseront pas. Mes parents ne reviendront jamais à la vie. Cette histoire de meurtre ne sera jamais réglée. Je n'aurai jamais une vraie famille.

Je ne connaîtrai peut-être jamais le sens du mot "famille", mais je ne suis pas seule. J'ai Ethan. Le rencontrer a été une chance formidable, et c'est vraiment un garçon bouleversant. Il m'a subjuguée, intimidée et surprise au cours des quelques jours que nous avons passé ensemble. Quand je le regarde, j'hésite à me pincer pour vérifier que je ne rêve plus. Il existe réellement, ce n'est pas un mirage et je l'aime. Je l'aime et nous partons ensemble chez moi.

Le train file à travers la campagne. Nous avons quitté Paris depuis une petite heure et le sommeil se refuse à moi. Je suis trop excitée, comme à la veille d'une rentrée des classes. Dans le wagon des premières classes, quatre couchettes sont disposées. Nous voyageons avec un trader et une jeune femme. Le conducteur du train a pris soin de nous : il nous a fait distribuer une collation dès la montée, puis nous demande à quelle heure nous souhaitons être réveillés.

Je n'ai pas pu dormir. Je rêve éveillée, ce que je vis est trop beau pour être vrai. J'ai pensé à mes parents, à mon oncle, à ma tante, à mon parrain et à ma marraine. J'ai sorti mon carnet et un crayon de mon sac et j'ai écrit un poème. Je ne sais pas vraiment s'il est à leur intention. Je sais seulement qu'il reflète ce que je pense d'eux, de nous et de cette impression étrange que j'ai, comme si plus je m'éloignais, plus j'évitais d'être proche d'un carnage.

Le train nous mène vers notre lieu de vacances. Je ne suis jamais allée en Normandie avec mon oncle et ma tante. Je ne sais plus à quoi ressemble ma maison. J'espère que ça me reviendra. C'est désespérant de ne plus se souvenir de rien. On a cette image sur le bout de la langue, il suffirait de se concentrer davantage, cependant elle nous échappe, fugace. Elle demeure hors de ma portée.

Aux alentours de 22 heures, le train s'immobilise dans la gare de Granville. Je ne reconnais rien ni personne. Ethan sort la valise du train et avise un taxi où nous nous engouffrons. Nous remontons la rue Couraye pour longer la plage. Ma maison n'est plus très loin. Le taxi ralentit puis s'arrête devant une​ maison. Ma maison.

- Vous êtes arrivés !, nous annonce-t-il.

- Vous êtes arrivés !, nous annonce-t-il

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