Passons aux choses sérieuses...

Kate : Chantage

Je tarde à ouvrir mes yeux, lourds et encore pleins de sommeil. Je sens le corps souple et chaud d'Ethan contre le mien. Je ne pense qu'à savourer l'instant. Comme si c'était la dernière fois. Je sens sa peau chaude et douce et ses bras contre ma taille. J'aimerais me réveiller tous les jours de cette façon. Je regarde l'horloge au mur. Il est onze heures et je suis en robe de soirée blanche. Elle est un peu froissée maintenant, mais de toute façon, je ne risque pas de la remettre avant longtemps. Autour de moi, le salon de l'appartement d'Ethan me fait penser à un damier. Les meubles sont noirs et blancs, et je fonds complètement dans le décor avec ma robe assortie. À bien y réfléchir, je crois que c'est la seule pièce où il n'y ait aucune couleur flashy. Je ne sais même pas pourquoi je fais attention à ce qu'il y a autour de moi, alors que je suis dans les bras d'Ethan.
Il dort. Il est magnifique quand il dort. C'est le seul moment pendant lequel je peux le contempler sans qu'il ne le remarque. Ses paupières closes, sa mèche de cheveux qui lui retombe sur le front d'un air faussement négligé sont pour moi une source d'admiration sans épuisement. Je passe malgré moi la main le long de sa joue, où je dépose un baiser. Zut, je l'ai réveillé, il bouge ! Ethan ouvre lentement les yeux et me sourit. Ma bouche est juste en face de la sienne. Il avance la tête et m'embrasse en resserrant son étreinte. Ses lèvres chaudes et pleines caressent les miennes avec une douceur inouïe.

- J'ai toujours rêvé de faire ça, me confie Ethan quand notre baiser prend fin.

- De faire quoi ?, je demande, curieuse.

- De me réveiller avec la fille que j'aime dans mes bras.

Je plonge mes yeux dans les siens. Ce garçon, je l'aime, maintenant je n'ai plus aucun doute. Jamais je ne regretterai de ne pas avoir suivi Jonathan. Je pose ma tête contre son épaule et il m'embrasse à nouveau. Je ferme les yeux.

Le temps paraît suspendu, dans ce décor noir et blanc. Je n'ai plus peur de rien, j'ai même envie d'oublier hier. Mais voilà... En face de nous, la photo est hors de son cadre, sur la table basse. Nous avons beau savoir qui ils sont, nous ne savons pas qui les a tués. Hier soir, mon oncle (ça me fait bizarre de dire mon oncle) a réagi de façon surprenante quand j'ai fait ma crise et que je l'ai traité de meurtrier. Est-ce que j'ai, malgré moi, touché juste ? Et si c'était lui ? C'est étrange tout de même, pourquoi tuer sa sœur et son beau-frère ? Jalousie ? Entre frère et sœur, c'est singulier, mais ça expliquerait un peu pourquoi le meurtrier n'a pas achevé ma mère. Pourquoi m'avoir épargnée miraculeusement ? Je n'ai rien, je suis toujours vivante, je ne connais pas son identité et j'ai même perdu la mémoire. M'a-t-il laissée vivante pour récupérer ma garde ?

Ce qui me gêne particulièrement, c'est que je ne me souviens de rien. Seul le néant persiste en mon esprit. J'essaie pourtant de revenir à mon plus ancien souvenir, sans succès.

- Hey, ça va ?, m'interpelle Ethan. Tu avais l'air ailleurs. Tu pensais à quoi ?

- Désolée. J'ai une question à te poser.

- Vas-y, je t'écoute, m'encourage-t-il en esquissant un sourire.

- Quand tu étais petit, est-ce que tu discernais vraiment les visages de tes parents ou est-ce que tu avais plutôt tendance à les repérer grâce à leurs pieds ? Pardon si ma question est bizarre mais je ne me souviens de rien.

- Quand j'étais petit... hésite-t-il. Quand j'étais petit, je regardais plutôt comment mes parents étaient habillés pour la journée. Comme ça, quand je voulais leur donner la main en promenade, par exemple, je les repérais à leur pantalon. Je me souviens, rigole-t-il, je me souviens qu'une fois un homme avait le même jean que mon père. Alors je lui ai donné la main, mes parents ont ri, et j'étais complètement perdu.

- Tu avais quel âge ?, je demande.

- Quatre ans, d'ailleurs... D'ailleurs il faut que je te montre quelque chose, déclare Ethan.

Il se lève et se précipite vers la même étagère d'où vient la photo de mes parents, et en tire un album photo. Il revient s'asseoir à côté de moi et l'ouvre.

- Quand j'étais petit, mes parents allaient souvent dîner chez des amis ou les invitaient à manger ici. Il y avait ton oncle, ta tante et tes parents, m'explique-t-il. Et devine ce que mes parents m'ont montré il y a quelques jours...

Sur le papier glacé, deux enfants sourient innocemment vers l'objectif. Ethan est facilement reconnaissable. Ses yeux verts brillent toujours avec la même intensité. La petite fille avec laquelle il joue est très brune et a des yeux rieurs bleus très sombres, presque noirs. Cette fille, c'est moi. Ça ne peut être que moi. Mais si Ethan en garde un vague souvenir, je ne me souviens plus de rien.

- On se connaissait avant ?, demandé-je.

- Apparemment, réplique Ethan. Je savais que je t'avais déjà rencontrée quand je t'ai vue mercredi dernier sur la place du Tertre. Tu étais si délicieusement magnifique que je t'ai couru après. Tu ne m'as pas vu et je t'ai perdue.

- Je venais de me faire plaquer, ironisé-je.

- Vraiment ?, s'étonne Ethan. Eh bien, je ne peux que le remercier, parce que sans lui je ne t'aurais pas retrouvée.

On entend un portable vibrer. Ce n'est pas le mien, ni celui d'Ethan. C'est celui de Gaspard. Ni une, ni deux, Ethan et moi nous approchons tout doucement de la chambre de Gaspard. Ethan rentre, récupère le portable de son père et ferme la porte. Il entre le code chiffré et le message que nous lisons nous consterne.

Alden : Tu as jusqu'à lundi pour me rendre Kate, sans quoi je porte plainte contre toi pour enlèvement et détournement de mineure. Après ça, toi et ta famille avez jusqu'au 6 août, 22h21 pour quitter la France, si vous ne voulez pas être en danger. Tu sais trop de choses, Gaspard, beaucoup trop de choses...

Bonjour tout le monde !!!
Puisque d'après Ben (les connaisseurs reconnaîtront), un sourire vaut mille mots, alors considérez ce chapitre comme un sourire !!! 😃😃😃