Alden

142 32 21
                                    

En 2005, mon entreprise avait une petite dizaine d'années. J'étais constamment obligé de faire des emprunts et, malgré mes efforts, j'accumulais les dettes. J'étais à deux doigts du burn out : je travaillais douze heures par jour au minimum, j'étais fatigué, et je venais d'apprendre la stérilité de Julia. Je tentais de maintenir mon entreprise à flots par tous les moyens possibles et imaginables. Pourtant, chaque mois, je devais choisir quel employé allait devoir annoncer à sa famille la triste nouvelle de son licenciement. Je devenais complètement fou. J'avais une dette colossale et je ne savais pas quoi faire.

Je me suis rapproché de ma sœur. J'ai eu besoin de son soutien comme jamais. Elle m'a apporté énormément de réconfort. J'ai oublié qu'autrefois elle était la préférée de Papa et Maman. Ça m'avait fait mal, enfant. Je n'avais aucune confiance en moi. Laura piétinait involontairement tous mes espoirs de réussite. Elle avait tout pour elle, mais semblait ne pas s'en rendre compte. Lorsque je lui ai expliqué, elle semblait sincèrement désolée pour moi. En quelques mois, nous étions devenus plus proches que jamais.
Le jour des quatre ans de Kate, Arthur et elle sont partis à la mer. Ils avaient une résidence d'été en Normandie, à Granville, et y passaient certains weekends. Laura avait proposé de nous y inviter, Julia et moi, pour fêter ensemble l'anniversaire de ma nièce. Je ne pouvais malheureusement pas : trop de travail. Julia se remettait à peine de la nouvelle de sa stérilité. Elle est restée à Paris avec moi. Nous espérions nous revoir dans la soirée.

Ce ne fut pas le cas.

Aux alentours de onze heures, l'hôpital où travaillait Arthur a téléphoné. Ils voulaient nous prévenir qu'Arthur avait été tué, et que Laura était vivante. Vivante. J'ai grillé un nombre incalculable de feux rouges et je suis arrivé à l'hôpital en trombe. J'ai bousculé le service de nuit, tant j'étais paniqué. Je suis arrivé trop tard, bien trop tard. Laura est morte dans les bras de Gaspard, qui pleurait, bouleversé. À ce moment-là, j'ai reçu un SMS des personnes à qui j'avais emprunté de l'argent et qui, malheureusement, n'avaient pas été remboursées :

"La prochaine fois, tu réfléchiras à deux fois avant d'emprunter et de ne pas rembourser !"

Involontairement, j'avais tué ma sœur et son mari.

Quelques jours après, toute ma famille est allée chez le notaire. Tous les biens de Laura et Arthur revenaient à Kate. Laura me confiait la garde de sa fille.
L'appartement de Laura et Arthur était souillé de leur sang. C'était effrayant. Et Kate en héritait, de tout ce sang, de ce passé déjà rempli de larmes.
La police avait retiré ses scellés. L'affaire avait été classée sans suite. J'ai pensé que Kate aurait souhaité avoir une nouvelle vie, une page blanche sans les fantômes du passé. J'ai pris une serpillère et j'ai tout nettoyé. J'épongeais, et je voyais le sang de ma sœur et de l'homme qu'elle aimait. Il s'imprégnait dans ma chair, dans les plis de ma peau, et faisait de moi ce que j'étais devenu.

Un meurtrier.

Un meurtrier

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.
Passons aux choses sérieuses...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant