Il était une fois Lui, Lui et Moi [Roman complet publié]

CHAPITRE 7 | Du monde au balcon.

Nous étions arrivés en centre ville depuis une bonne trentaine de minutes et attendions Rule non loin du petit restaurant indien. Je portais des chaussures à talons et la position statique commençait à me faire mal à la voûte plantaire.

Je me balançais d'un pied sur l'autre pour soulager la pression qui pesait sur mes dix orteils. Aussi patiemment que silencieusement, mes yeux se perdaient dans l'immensité de l'espace, au beau milieu des milliars d'étoiles au-dessus de ma tête lorsqu'un claquement me réveilla de cette parenthèse hors du temps.

- Ça va, mec ?

Je reconnus cette voix avec une telle instantanéité que je me surpris moi-même.

Incertaine, je pivotais sur place et tombais nez à nez avec la perfection réincarnée en Homme. Je dus me retenir de le dévisager.

Je sentis soudain le regard pressant de Pierce lorsque Rule posa doucement sa joue contre la mienne pour me faire la bise.

Il ne prononça pas un mot lorsque nous nous saluions. Ceci dit, moi non plus. Nous ne nous étions jamais adressé la parole et n'avions pas grand chose à nous dire.

Je crois que nous avons tous les deux préféré éviter un embarras certain avec les banalités de rigueur et j'ai laissé à Pierce tout le loisir de meubler le silence. Ce qu'il fit sans attendre, à mon grand soulagement.

- T'aurais pu faire un effort, Rule !

- J'avoue avoir du mal à recevoir des critiques de la part d'un pingouin aux chaussures vernies.

Il est vrai que Pierce était très élégant. Presque trop. Sa chemise d'un blanc immaculé boutonnée jusqu'au col mettait en valeur ses courbes par une infime transparence.

- On va au restaurant Rule, rit Pierce. Tu es habillé comme moi le dimanche.

- C'est une soirée de lycéens, pas un gala de charité. Mon sweat à capuche sera bien plus dans le thème que ta tenue de cul pincé. Tu le verras bien assez vite.

Rule marquait un point. Et rapidement, sa théorie se confirma.

Il n'y avait finalement que Pierce qui était en décalage avec ses vêtements trop classes pour n'importe quel jeune à peine majeur et étant toujours sur les bancs de l'école.

Lorsque nous pénétrâmes dans le restaurant, cela me mit presque mal à l'aise. Notre trio détonnait un peu dans le décor mais personne ne sembla le noter outre mesure.

Les élèves déjà présents étaient tous attablés et discutaient bruyamment en attendant que les derniers arrivants pointent le bout de leur nez.

Deux gigantesques tables avaient étaient dressées et toute la première partie du petit établissement nous était reservée. Nous devions être une bonne cinquantaine.

Rapidement, je repèrais plusieurs places vacantes contre la vitrine qui donnait sur la rue. Je fis signe à Pierce que nous pouvions nous installer ici.

Le repas débuta une poignée de minutes plus tard.
Pierce s'était assis à ma gauche et Rule était en face de lui alors qu'une de mes bonnes copines, Charley, s'instala en face de moi, à gauche de Rule.

Charley, bien que d'un an ma cadette, était de nature très avenante, presque désinhibée. Alors qu'elle ne connaissait Rule ni d'Ève ni d'Adam, elle s'adressait maintenant à lui avec une telle proximité qu'un petit pincement sournois me piqua l'interieur du thorax.

- Mais tu es au lycée toi aussi ! Je te reconnais ! s'enthousiasma-t-elle.

Tu m'étonnes.

Rule discutait autant avec Charley qu'il était muet avec moi. À croire qu'il ne pouvait pas me voir en peinture. Pourtant, lorsque je détournais la tête pour m'adresser à Pierce, j'avais l'impression de sentir le regard de Rule m'envelopper sans que je puisse être sûre que ce ne soit pas le fruit de mon imagination.

A la fin du repas, une floppée de serveurs arrivèrent pour débarasser le couvert et commençèrent à emporter les tables une à une à l'arrière du restaurant pour faire place nette.

Alors que la lumière baissait en intensité et que quelqu'un était en train de faire des essais avec la sono, notre quatuor éphémère se dirigea à l'extérieur pour rejoindre les accros à la nicotine.

Charley me semblait particulièrement en forme ce soir. Elle avait sorti un briquet rose à paillettes avec une licorne dessiné dessus, pressa rapidement le mécanisme et alluma sa cigarette.

Je le sentais venir, son comportement allait encore m'irriter. Ce qui ne manqua pas. Alors que le bout de sa cigarette était plongé dans le coeur bleuté de la flamme, elle fit un discret signe à Rule d'approcher son visage du sien.

Ce dernier qui venait tranquillement du sortir une cigarette de son paquet, saisit l'invitation. Il fourra le filtre beige entre ses lèvres rosées et embrasa à son tour la longue tige de tabac en inspirant une longue bouffée.

Charley semblait satisfaite de son petit numéro, simulant sa complicité avec Rule. Lorsque le bout de leurs cigarettes s'entrechoquèrent, chacun dessina un léger sourire se qui me fit dresser les cheveux sur la nuque.

Puique je ne lui avait rien dit, je ne avais pas si Charley avait deviné que mon esprit embrumé voguait parfois vers les délices de ce métisse aux yeux café au lait mais son corportement me rendait dubitative.

Était-elle toujours obligée d'agir comme ça avec absolument tous les garçons physiquement sympathiques qui croisaient son chemin ? J'appréciais beaucoup ma copine mais lorsque sa main se posa sur l'avant bras de Pierce, ma machoire se serra alors qu'elle se perdait en rires et taquineries avec mon petit ami avec lequel elle discutait pour la première fois de sa vie.

J'en avais clairement ras le bol de cette soirée et je remarquais qu'une fois de plus, je perdais tout plaisir lorsque Rule était dans les parages.

A mon grand désaroi, j'en connaissais parfaitement la raison.

Je due faire un gros effort pour retourner dans le restaurant sans afficher mon énervement sur chaque trait de mon visage.

À l'intérieur, le restaurant était désormais presque vide de tout mobilier. L'établissement était quasiment plongé dans le noir, des spots colorés balayaient la salle du sol au plafond et la musique résonnait dans les enceintes accrochées aux quatres coins de la pièce.

Une bonne flopée de lycéens sagitait comme des diables sur la piste. Charley s'engoufra sans réfléchir dans la masse remuante tandis que Rule et Pierce s'assirent sur un banc posé le long d'un mur pour s'imprégner de l'ambiance.

J'étais restée en retrait contre le froid de la vitre donnant sur la ruelle et observais la scène avec détachement. Mon agacement ne m'avait pas quitté.

Au bout de dix minutes, le charme de Rule semblait avoir agit comme un nuage de fumée neuro-toxique flottant dans l'air puisque l'une des Norvégienne se dirigea vers lui d'un pas assuré, poitrine oppulante en avant, avant de venir agiter ses seins devant son visage. C'était le pompon.

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"Le cœur a ses raisons que la raison ignore".

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Pour respecter l'anonymat des personnes qui interviennent dans ce récit, leurs noms et les lieux de la véritable histoire ont été changé.
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