Il était une fois Lui, Lui et Moi [Roman complet publié]

CHAPITRE 15 | Une fois n'est pas coutûme.

Je me surprenais de plus en plus. Chaque matin, je bondissais de mon lit comme un cabri pour me rendre le plus tôt possible au lycée. C'était désormais moi qui attendait que ma mère soit enfin prête à partir. C'était le monde à l'envers.

Visiblement, je n'étais pas la seule à être très légèrement enthousiaste à rejoindre mon établissement scolaire.

Sans trop savoir comment ça s'était instauré, depuis lundi, Rule, Kyle, Charley et moi avions très rapidement pris l'habitude de nous retrouver devant les grilles avant que les cours ne commencent.

Rule et Kyle se déportaient légèrement de leur emplacement habituel pour s'éloigner un peu des oreilles attentives de leur groupe dès qu'ils nous voyaient arriver.

Je devais avouer que notre nouvelle "amitié" avec ces deux-là me ravissait particulièrement.

Pour une fois depuis bien longtemps, je souriais. Je souriais vraiment.

Ma bien trop sage conscience se faisait malgré tout un devoir de garder Pierce pas bien loin dans un coin de mes pensées mais cette fois, je décidais volontairement que son image n'avait rien à faire là.

Avec toute la volonté dont je pouvais faire preuve, je le chassais sans ménagement de mon esprit et me concentrais, une fois n'est pas coutûme, sur le moment présent.

Pourtant, et malgré tout ce qu'il m'avait fait vivre depuis trois années, je ressentais un sentiment d'infidélité envers Pierce. Passer de temps avec Rule au lycée et surtout, sans rien lui dire, me semblait immoral.

Je me rendais compte que c'était assez ironique. Je savais pertinement qu'il l'avait bien mérité et qu'à côté de ses infidélités voulues et répétées, c'était une bien maigre punition.

Malgré tout, cette saleté de conscience avait enclenchée une sirène rouge vif qui résonait partout dans ma boite cranienne. Peut importe. Cette fois, c'est moi qui ferait ce que j'avais envie et si ça passait par fréquenter Rule au lycée, et bien soit.

♡

Comme l'imposait notre nouvelle et plaisante habitude, nous étions tous les quatre devant les grilles et depuis le premier jour, Charley et Kyle se mangeaient des yeux. Ça en était presque génant parfois.

Si bien que sans crier gare, aujourd'hui et alors que Rule et moi étions en train de parler de tout un tas de choses passionnantes juste à côté d'eux, un bruit suspect nous coupa dans notre élan.

Dans une synchronisation absolue, nous avons tous les deux tourné la tête vers nos amis qui avaient en ce moment même la langue fourrée dans la bouche de l'autre. Comme ça, devant tout le monde et sans crier gare.

- Ça, c'est fait, s'amusa Rule.

- La pudeur ne leur fait pas mal à ceux-là, répondis-je mi-amusé, mi-gênée.

- C'est Kyle, me lança Rule comme si c'était une explication parfaitement logique.

Nous nous sommes regardés avec intensité, sans plus parler. Le nouveau couple enlacé à côté de nous n'y était certainement pas pour rien.

Je ne savais pas ce que cet échange signifiait réellement. Je ne voyais que ses yeux cafés irrisés d'émeraude posé avec une attention particulière sur moi.

Nous ne parlions plus et ce moment hors du temps me fit frissoner. Mon esprit était embrumé, plus rien autour ne comptait. Pierce n'existait plus. Pour quelques secondes encore, il n'y aurait que Rule.

Ce fut le bruit lointain de la sonnerie du batiment principal qui interompit cet échange que je ne savais pas qualifier.

- Eh, ça va vous deux ? lança une voix familière au même moment.

L'instant où Rule arracha son regard du mien pour sonder Kyle me parut presque douloureux.

- C'est à nous que tu demandes ça ?

Rule avisa Charley qui avait les pomettes toutes roses avant de revenir à son ami pour entendre sa réponse.

- Oh, ben nous, ça va très bien, répondit-il en resserant sa prise autour des épaules de sa belle.

- On a vu ça, ouais ! Y en a qui perdent pas de temps.

- Tu devrais peut être en faire autant.

Je me raidis. La subtilité de Kyle était sans égale mais est-ce que ça voulait dire que...

- Ta gueule, le prévint Rule sans détour.

Je regardais tour à tour les deux garçons les yeux ronds comme des billes. Ces deux-la s'affrontaient du regard et la détermination dans celui de Rule était clairement dissuasive.

J'avais déjà eu l'opportunité de m'y froter une fois et je ne réitérerais pas l'exploit. Je passais mon tour et refourguais le bébé à Kyle sans hésitation.

Sans surprise, Kyle céda le premier et Rule en sembla satisfait. Sans un mot de plus pour ce dernier, Kyle attrapa la main de mon amie et l'entraina vers la cour du lycée.

- Viens, Charley, on y va.

Laquelle ne se le fit pas dire deux fois et se laissa entrainer avec plaisir par le bras de son nouveau petit ami.

Nous restâmes plantés là, Rule et moi, alors que tout les élèves franchissaient par petits groupes le portail ouvert pour rejoindre leurs salles de classe.

- C'était quoi ça ? demandais-je d'une voix fluette et hésitante.

Rule me regarda franchement et je devais bien dire qu'à chaque fois, ça suffisait à me transporter. Ce mec était magnétique, magnifique et beaucoup d'autres termes en -iques.

- Quoi ? avait-t-il l'air de ne pas comprendre.

- Avec Kyle. Il y a un problème ?

- Kyle et moi sommes très différents. Il est innocent les mains pleines et trop spontanné. Il faut qu'il apprenne à réfléchir avant d'ouvrir la bouche.

- Il n'a rien dit de mal, si ? tentais-je maladroitement de plaider en faveur de Kyle.

- Il parle trop.

Rule semblait clairement énervé par la dernière intervention de son ami. Il semblait en rogne mais je devinais qu'il tentait de se contenir devant moi.

- Paradoxalement, il a de la chance que tu ais été là, me lança-t-il comme une énigme.

- Parce que ?

- Parce que je préfère préserver ce que tu vois de moi.

Je tiquais.

- Ce que je pense n'a pas grande importance, tu sais.

- C'est ton point de vue, me repondit Rule. Et tu devrais apprendre à en tenir compte.

Sur le moment, je ne compris pas ce qu'il voulu dire et puis, doucement, un demi-milliard d'hypothèses fulminèrent dans mon esprit comme des tsunamis.
Parlait-il de Pierce ?

Je n'eut pas me temps de le lui demander ; la deuxième sonnerie venait de retenir.

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"Le cœur a ses raisons que la raison ignore".

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Pour respecter l'anonymat des personnes qui interviennent dans ce récit, leurs noms et les lieux de la véritable histoire ont été changé.
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