Il était une fois Lui, Lui et Moi [Roman complet publié]

CHAPITRE 18 | Courageux mais pas téméraire.

Je ne savais pas si je devais me décoller de Rule et quitter ses bras pudiquement.

Il ne bougeait pas et il me sembla que cette étreinte durait bien plus longtemps qu'une accolade de réconfort désintéresée.

Il avait même resserré ses bras autour de ma nuque et posé une main protectrice sur l'arrière de ma tête.

Bon sang, ce que ça faisait du bien !

Je me sentais dans une bulle, un cocon indestructible duquel je n'avais surtout pas envie de sortir. Pourtant, doucement, après ce moment hors du temps dont je ne pourrai pas dire s'il avait duré dix secondes ou dix heures, son corps chaud se remit en mouvement.

Il me caressa brievement les cheveux avant que sa main ne quitte mon crâne puis il s'éloigna d'un pas pour me scrutter.

- Tu ne pleures plus ? s'assura-t-il.

- Non, lui répondis-je d'une voix ensommeillée.

- Bien.

Il semblait satisfait mais il ne m'en demanda pas plus sur les raisons de mon petit coup de mou, ce dont je lui étais reconnaissante.

Kyle et Charley ne semblaient pas s'être rendu compte que nous nous étions arrêtés en chemin car lorsque je releva la tête, il avaient disparu du paysage.

- Tu as toujours faim ? m'interrogea Rule.

Je haussais les épaules pour ne pas lui repondre que non parce que même si mon estomac semblait s'être endormi pendant ce petit rapprochement physique improvisé, j'avais envie de m'asseoir à une table avec lui rien que pour prolonger le moment.

Je me rendais doucement compte que, tout contre lui, j'avais tout oublié. Littéralement. Dans ses bras, mon esprit n'était plus torturé par quoi que ce soit.

L'image de Pierce s'était effacée momentanément de ma mémoire comme s'il n'avait jamais existé et j'étais obligée d'admettre que ça m'avais fait un bien fou.

Soudain, je n'avais plus senti ce poids énorme sur mes épaules. Cette épée de Damoclès au dessus de ma tête prête à exécuter chaque partie de moi avait disparue. Complètement disparue lorsque j'étais contre Rule.

Est-ce que ça pourrait être tout le temps comme ça si Pierce n'était plus dans ma vie ? Est-ce que je me sentirai en permanence aussi légère ?

Je ne le savais pas bien et même si mon esprit envisageait certainement cette option, mon coeur borné la rejetait en bloc sans lui laisser aucune chance de faire ses preuves.

Lorsque je revins de mon petit monde de douceur, je vis Rule qui attendait patiemment en face de moi.

Il semblait comprendre que quelque chose me torturait comme quelqu'un qui connaissait pertinament ce sentiment pour l'avoir vécu et je devinais que c'était pour cela qu'il ne me posait aucune question et me laissait le temps d'attérir.

Je devinais assez instinctivement que Rule ne s'était jamais fait baladé par une fille comme Pierce le faisait avec moi. Pourtant, à sa façon de me regarder avec insistance alors que mon esprit se perdait, je comprenait que lui aussi avait vécu quelque chose de fort un jour.

Ses yeux semblaient me dire "je te comprends" alors que sa bouche restait close.

Cet instant qui n'aurait objectivement pas dû se produire avait assez duré. Brutalement, je me repris et relevais mes yeux humides vers ce garçon énigmatique et magnétique.

- On y va ?

Rule hocha la tête pour me signifier que oui et nous nous mettions en route.

Le restaurant spécialisé dans le kebab était à deux petites minutes à pied mais on voyait déjà au loin, de l'autre côté de la rue, la queue sur le trottoir.

C'était le fast-food le plus proche du lycée et bon nombre d'élèves l'avaient élu comme leur point de chute quotidien à midi.

Sur le chemin, je marchais sans rien dire. Rule non plus. Notre moment de complicité de tout à l'heure était passé et maintenant que je lui semblais aller mieux, il était redevenu... Rule.

Pourtant, entrainées par le mouvement de notre corps en marche, nos mains se sont doucement frolées et alors qu'un frisson me parcourais, j'ai cru voir son poing se serrer.

Puisque je ne savais ni l'interpréter ni si je n'avais pas rêvé, je ne lui posais aucune question.

Il nous avait fallu peu de temps pour arriver devant le petit restaurant turc et Kyle et Charley nous faisaient signe depuis le milieu de la file d'attente.

Rule passa devant moi pour les rejoindre et je lui emboitais le pas, volontairement cachée derrière lui car je savais que cette initiative de se glisser au beau milieu des affamés sans se placer en bout de file pour attendre notre tour n'allait pas plaire à tout le monde.

Courageuse mais pas téméraire.

Et ça ne manqua pas, évidemment.

Alors que Rule s'engouffrait en plein milieu des lycéens, une voix grave résonna non loin de nous.

- Oh ! La queue, c'est par là ! s'énerva un glouton.

Je n'avais pas eu le temps de voir qui s'adressait à nous que la voix s'était déjà tue. Pourtant, Rule semblait parfaitement savoir, lui. Était-il toujours aussi attentif à tout ? On aurait dit au prédateur aux aguets.

Rule tourna ses yeux brulants vers l'arrière de la file. Je commençais à bien connaitre ce regard. L'inclinaison redoutable de ses arcades était un signal d'alerte dont il se servait comme une arme de dissuasion.

Pour le moment, cela avait toujours fonctionné devant moi et je n'étais pas pressée de savoir ce qu'il se passerait si jamais cela ne suffisait plus.

Ce n'est que lorsque j'ai vu un gars devenir blème dans la foule que je compris que c'était lui qui était à l'origine de cette voix qui avait résonné contre les façades noircies de la ville.

L'étudiant a d'abord baissé les yeux puis la tête toute entière jusqu'à fixer ses pieds. Et ce n'est qu'à ce moment que Rule a jugé qu'il pouvait se détendre et le lacher du regard.

Ouch... OK. Alors c'était comme ça. Le mec devait faire une bonne tête de plus que Rule mais il avait suffit d'un regard pour le faire taire. J'avoue que je trouvais ça assez dingue. Mais soit.

Kyle, qui ne semblait pas surpris outre mesure de cette petite démonstration silencieuse, s'adressa soudain à Rule avec entrain.

- Alors mec, tu t'étais perdu ? le railla-t-il.

- Tu ne crois pas si bien dire.

Rule me regarda avec un sourire à peine perceptible. Je crois que j'étais concernée.

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"Le cœur a ses raisons que la raison ignore".

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Pour respecter l'anonymat des personnes qui interviennent dans ce récit, leurs noms et les lieux de la véritable histoire ont été changé.
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