CHAPITRE 3 | Les opposés s'attirent.

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On était samedi soir et le club était plein à craquer. Miranda et moi marchions à vue, nous faufilant entre les corps humides et remuants, évitant les verres d'alcool suspendus à un mètre du sol par des mains maladroites. Et comme toujours, mon amie n'avait pas été assez attentive. 

Lorsqu'une armoire à glace d'au moins deux mètres de haut avait pivoté sur elle-même pour suivre le rythme de la musique, le bras dressé au-dessus de son large corps pour empêcher la foule de renverser sa précieuse cargaison, un peu de liquide s'était retrouvé éjecté de son contenant translucide pour venir s'écraser sur le brushing de Miranda.

La force centrifuge avait encore frappé. Je dus réprimer un rire lorsque je vis son visage passer de la porcelaine au rouge coquelicot.

Mon amie avait une bouche grande comme celle d'un crocodile et inévitablement, elle s'était mise à hurler sur le rugbyman en pleine danse de la pluie, lequel ne comprenait rien à ce qu'elle lui disait.

Sans attendre que la situation dégénère, et pour la deuxième fois de la soirée, j'attirai ma copine vers moi et lui fis signe d'avancer.

— Ton inconscience te jouera des tours, Miranda, hurlai-je par-dessus la musique.

— Mais c'est lui qui m'a arrosée avec sa bière ! Sens ! Mes cheveux empestent le houblon ! râla-t-elle dans une grimace.

Je souris, à défaut de lui rire au nez, ce qui lui aurait fait franchir un cap supplémentaire dans l'exaspération, et nous continuâmes à avancer sans savoir vraiment où nous nous dirigions car cette parenthèse « arrosage » nous avait fait perdre de vue Pierce l'Infidèle et Rule le Malpoli

Quelques pas plus loin, je les repérai enfin. Ces messieurs étaient déjà tranquillement assis sur l'une des nombreuses banquettes capitonnées de la boîte de nuit et avaient les yeux rivés sur la piste de danse.

Notre absence ne semblait pas les avoir inquiétés outre mesure et mon agacement envers Pierce monta d'un cran. Son instinct protecteur dans un environnement rempli d'hommes alcoolisés grouillant autour de sa petite amie devait frôler les 0%. 

Le contraire m'aurait étonnée, mais à chaque fois j'espérais – vainement – qu'il ait un geste à mon attention. Je pouvais toujours rêver.

Quelques secondes plus tard, nous arrivions près d'eux, ce qui ne leur fit pas quitter la piste des yeux pour autant alors que le visage de Miranda transpirait la contrariété.

J'avais jeté un regard discret aux garçons avant de m'asseoir. Il fallait bien l'avouer, ils étaient beaux comme des Dieux. Cette pensée me surprit. Depuis quand trouvais-je un autre garçon aussi craquant que Pierce ? Ou bien... plus craquant encore ?

Pierce était objectivement un très beau garçon. Son nez droit, ses yeux noisette malicieux et son sourire digne d'une publicité pour dentifrice les faisaient toutes fondre, à mon grand désarroi. 

Mais Rule... Il avait ce quelque chose qui m'avait toujours manqué chez Pierce, sans que je ne m'en rende compte avant cet instant précis.

Rule était fait de testostérone, de charme et de mystères quand Pierce avait un visage poupon et des vêtements trop chers pour le commun des mortels.

Oui, Rule était un vrai mâle. Son corps tout entier disait « ne me cherche pas de trop près ». L'inclinaison de ses sourcils sombres sur sa peau légèrement métissée lui donnait un visage dur. 

Il n'était pas bien grand et pourtant, son aura rayonnait de puissance. Même aux côtés de Pierce qui attirait généralement tous les regards, on ne voyait que lui. En fait, je crois que c'était la première fois que, sans bouger le petit doigt, je voyais quelqu'un faire de l'ombre à mon petit ami.

— Qu'est-ce que vous voulez boire ? demanda soudain Pierce.

— Ce que tu prends, répondit machinalement Rule.

— Ça m'étonnerait, rit Pierce.

— Quoi ? Tu bois de la pisse en bouteille ? rétorqua Rule avec un sourire à tomber par terre bien que sa réplique n' eût rien de bien gracieux.

— De loin, ça y ressemble.

— Bière blonde ? demanda Rule, intrigué.

— Jus de pomme.

— Sérieusement, mec ? Tu tournes au jus de fruits en soirée ? rit ouvertement Rule.

— Ouais, et tu seras bien content quand je te ramènerai vivant chez toi. Alors, tu prends quoi ?

— Un whisky-cola... rabat-joie, souffla-t-il.

— Et vous, les filles ? nous demanda Pierce.

— Vodka-pomme, trancha immédiatement Miranda.

Pierce me jeta un regard en attendant ma réponse qui ne venait pas.

— Heu... un jus d'abricot. S'il te plait.

Je sentis le regard chaud et étonné de Rule se poser sur moi et je me crispai alors que Miranda, qui n'avait rien remarqué comme toujours, venait de recommencer à me raconter ses histoires de cœur que je n'écoutais plus que d'une oreille.

Un peu plus tard, je me décidai à détourner le regard de la piste un instant pour observer M. L'Impoli. Il ne me regardait plus. Son visage était fermé et il ne nous avait pas adressé un seul mot depuis le début.

C'était quoi son problème ? Était-il aussi beau que goujat ? Ça me rappelait quelqu'un. Pas dans le même registre cependant car il était clair que Rule et Pierce n'avaient rien à voir l'un avec l'autre, ils semblaient même être de parfaits opposés. Et ne disait-on pas que les opposés s'attirent ?

Alors que Pierce jouait de ses charmes à coup de grands sourires, Rule semblait avoir une méthode peu académique pour paraître sympathique. À moins qu'il soit toujours comme ça ? Dans ce cas, bonjour l'ambiance ! On aurait dit qu'il voulait défier la terre entière.

Dix minutes plus tard, Pierce était revenu. Il déposa les verres sur la table et je me renfrognai. Je laissai la nuit défiler lentement, sans aller danser une seule fois. Sans trop savoir pourquoi, je passais la pire soirée de ma vie. 

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"Le cœur a ses raisons que la raison ignore".

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Pour respecter l'anonymat des personnes qui interviennent dans ce récit, leurs noms et les lieux de la véritable histoire ont été changé.

Il était une fois Lui, Lui et Moi [Roman complet publié]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant