CHAPITRE 42 | À la tombée de la nuit, les loups sortent de leur tanière.

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Je sentais les brumes du sommeil commencer à se dissiper mais mes yeux ne parvenaient pas encore à s'ouvrir. À travers mes fines paupières, j'apercevais la clartée du jour.

Je laissais doucement mon esprit revenir à la conscience. Je mis plusieurs secondes à me souvenir que j'étais chez Charley.

Je ne me rapellais pas m'être endormie hier soir, alors je cherchais dans mon esprit. Les souvenirs se faisaient soudain plus clairs : les caresses de Rule, notre discussion, mes pleurs et puis, plus rien.

Pas de doute ; je m'étais endormi contre le torse de Rule que les larmes avait rendu humide.

J'hésitais à ouvrir les yeux. Je ne savais pas s'il dormait encore ou s'il s'était déjà levé. Je ne sentais pas un mouvement sous les draps ce qui aurait pu m'orienter sur n'importe laquelle de ces deux théories.

J'essayais d'affiner mon ouïe pour entendre sa respiration mais le gazouillis des oiseaux à travers la fenêtre restée ouverte toute la nuit couvrait le silence de la pièce.

Au bout d'une interminable minute, je me décidais à ouvrir un oeil. Lentement, mes cils se séparèrent et je vis mes deux précédentes théories tomber à l'eau pour en découvrir une troisième que je n'aurais jamais devinée.

Rule était bien dans notre lit mais il ne dormait visiblement plus depuis un bon moment.

Il était face à moi, allongé sur le flanc, le coude en appuis contre le matelas qui soutenait sa tête posée dans sa paume.

Rule me regardait dormir !

Instinctivement, je cachais mon visage avec mes mains. J'espérais tellement fort ne pas avoir fait quelque chose de compromettant dans mon sommeil ! Et que je n'avais pas parlé ! Ni bavé sur mon coussin !

- Pourquoi tu te caches ? entendis-je sa voix douce me demander.

J'ouvrais deux doigts contre mon visage pour liberer la vue à mon oeil droit avant de lui répondre.

- Depuis quand tu me regardes dormir ? m'inquiétais-je.

- Je sais pas... Une heure ou deux.

- Quoi ?! RULE ! m'exclamais-je en pivotant sur le ventre pour enfouir profondément mon visage dans le coussin.

Je sentis sa main se poser sur mon dos couvert par le tissu satiné de mon débardeur. Tendrement, il la fit glisser sur mon corps, s'arrêtant un instant sur ma cambrure avant d'effleurer la courbe de mes fesses.

- Arrête de te cacher de moi, bébé.

Je relevais subitement la nuque pour planter mon regard azur dans le sien.

- Pourquoi est-ce que tu me regardais dormir ?

- Pour profiter de toi. Et pour m'assurer que tu allais bien.

- Que j'allais bien ? Pourquoi je n'irais pas bien ?

- Je devais en être certain. C'est juste... une conséquence de certains passages de ma vie.

- Comment ça ?

-  C'est rien, Angelina. Ne t'inquiète pas.

- Je veux savoir. Explique-moi.

- Depuis que je suis ado, j'ai vu des choses qu'on ne devrait pas connaître à cet âge-là. Depuis, j'ai besoin de contrôler que les personnes à qui je tiens se portent bien.

- Qu'est-ce que tu as vu de si terrible pour ressentir ça ? m'inquiétais-je.

- Angelina, je pense pas que...

- Dis-moi.

Rule ne semblait pas être pressé de me répondre. Son visage était traversé par une vague de tristesse. Je n'aimais pas le voir comme ça pourtant, il fallait que je sache. Ça me semblait important.

- Je t'ai dis que j'avais intégré un corps militaire d'élite et... en fait, ils sont obligés de nous montrer ce qui se passe réellement dans les pays en guerre dans lesquels on peut être envoyés en mission pour qu'on sache qu'elle réalité nous attend là-bas. C'est des sortes de reportages de guerre, mais sans censure. Ou des images de propagandes diffusées à la population locale par des groupes terroristes. Ça et tout ce à quoi j'ai pu assister dans mon quartier. Des bagarres qui ont mal tourné. En gros. Tout ça reste toujours présent en moi et je suis plus rassuré quand je m'assure que du dors paisiblement, que tu respires toujours.

- Rule...

Je ne savais pas quoi lui dire d'autre que de prononcer son prénom. Je commençais doucement à cerner qui était ce garçon à l'expression parfois si dure, qui donnait l'impression de n'avoir peur de rien.

En fait si, il avait peur. Peur de perdre les gens qu'il aime, peur pour sa propre vie inconsciemment aussi, et c'est certainement pour ça qu'il avait ce reflexe de dissuader, ou d'attaquer en premier s'il le fallait.

J'étais révoltée au fond de moi, qu'il ai vu des choses qu'il n'aurait jamais dû ne serait-ce qu'imaginer. Qu'il ai perdu des amis proches dans des conditions brutales. Qu'il ait eu besoin de ses poings pour se faire un nom dans son quartier pour pouvoir simplement être respecté.

Pour moi, une fille sans problème ayant grandi loin, très loin de tout ça, ça me semblait fou.

À moi, on m'avait toujours répété qu'il fallait respecter autrui et être polie. C'était tout. Visiblement, nous avions évolués dans deux mondes bien différents, deux réalités parallèles qui se côtoient de près sans jamais se rencontrer.

A la nuit tombée, les agneaux rentrent docilement à la bergerie pendant que les loups sortent de leur tanière.

- Ne t'inquiètes pas pour moi, bébé. Ça, c'est mon rôle. Toi, tu as juste à vivre ta vie. Et je serai là pour m'assurer que tout va bien pour toi.

- Et toi ? Qui s'assure que tu vas bien ?

- Moi. Et mon frère.

Je secouais la tête de gauche à droite. C'était injuste. La vie toute entière était injuste.

- Tu ne peux rien y faire, devina-t-il en me caressant la joue du bout de l'index. C'est comme ça. Je suis comme ça, parce que c'est mon histoire.

Voyant que je ne parlais plus, Rule m'attrapa soudain par les hanches et me plaqua contre son corps avant de me faire basculer sous lui.

Ses deux bras tendus de part et d'autre de mon visage étaient en appuis contre le matelas pour maintenir son buste suspendu au dessus du mien.

- Je suis toujours le même, depuis que tout ça a commencé entre nous. Il faudra simplement que tu t'habitue à cette idée que j'ai peut être quatre ans de moins que ton mec mais plus de vécu qu'il n'en aura jamais. Alors s'il te plait, pardonne mes réactions si des fois elle peuvent te parraître excessives. C'est juste que contrairement à celles de Pierce, les miennes envers toi sont sincères.

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"Le cœur a ses raisons que la raison ignore".

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Pour respecter l'anonymat des personnes qui interviennent dans ce récit, leurs noms et les lieux de la véritable histoire ont été changé.
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Il était une fois Lui, Lui et Moi [Roman complet publié]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant