J'avais toujours eu l'esprit tourmenté, aussi loin que je me souvienne, je n'avais jamais été comme les autres. Je n'étais pas comme eux, je le savais au plus profond de moi-même, mais je ne pouvais expliquer pourquoi.
Ma sœur était la seule qui savait m'apaiser. Avec elle, je n'avais pas à parler, ni à expliquer, comme si cela avait été écrit auparavant. On se comprenait, c'était facile. Elle me disait ces secrets, je lui disais les miens. Enfin...certains. Il y avait ceux dont je ne voulais pas parler, et pourtant...
Nos parents ne pouvaient nous séparer, il y avait ce lien qui nous retenait ensemble, ce lien particulier qui n'existait qu'entre nous. Nous partagions tout, jusqu'au programme génétique et notre date de naissance. Elle avait toujours été meilleure que moi, plus forte, depuis le début. Je n'avais jamais cessé de l'admirer tant elle était rayonnante. Elle faisait partie de ces gens que l'on ne peut s'empêcher de regarder parce qu'ils dégagent quelque chose de différent. Camille, elle avait ce petit truc en plus qui faisait que l'on ne détachait pas nos yeux de son visage. A côté d'elle je me sentais parfois si petit que l'on ne me remarquait pas. Mais cela n'avait pas d'importance parce que je savais qu'à ses yeux il n'y avait que moi. Elle était mon monde et j'étais le sien.
Nous vivions dans l'insouciante enfance, celle où s'inventer une vie était permis, où nous pouvions être qui nous voulions, quand nous le voulions. C'était notre jeu préféré, nous nous réinventions à chaque instant. Elle adorait être une exploratrice, une chasseuse de dragons ou une chevalière qui sauverait toutes les princesses des méchants. Elle riait, quand je lui disais que je voulais être comme maman, parce qu'elle était belle. Ou lorsque je voulais être maîtresse d'école, pour pouvoir mettre de jolies robes comme Mademoiselle Pomon. Peu m'importait, j'aimais la faire rire. Elle était jolie Camille quand elle riait.
J'avais eu besoin de m'exprimer, il avait fallu que je mette des mots sur mon tourment, celui qui me rongeait de l'intérieur, à petit feu. J'avais peur, tout le temps, de temps en temps, par moment. Parfois je n'avais plus peur, je me sentais libéré, puis tout revenait, d'un coup, tel un tsunami. Je voulais de l'aide, je voulais comprendre pourquoi je n'étais pas comme elle, comme les autres. J'avais pourtant senti cette flamme dans mon corps qui me disait que c'était le bon moment, qu'il n'y avait pas de temps à perdre puisque la vie ne nous attendrait pas. A mes yeux la vie avait toujours été une eau calme qui suivait tranquillement son cours. Je ne savais qu'une seule goutte pouvait rendre la mer agitée. J'avais cru que cela ne changerait rien mais depuis, Camille ne riait plus.
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Nos Âmes Brisées (EN REECRITURE)
JugendliteraturIl y a ces moments où l'on s'aperçoit que nous ne tenons plus que sur un fil, si fin qu'une lésion peut nous être fatale. Depuis qu'elle est partie, leurs vies se sont effondrées. Ils se sont éloignés jusqu'à devenir des étrangers, attendant chacun...