- Vous souffrez de schizophrénie.
Le médecin avait le front plissé, les cheveux blancs et les yeux fatigués. Il semblait concerné parce qu'il disait, mais pas alarmé par mon cas. Il en avait peut-être trop vu pour s'émouvoir. Il s'adressait à moi de manière posée et attendait ma réaction.
Je n'avais pas écouté les dix minutes précédentes d'explication sur mon état mental. J'avais observé les murs d'un blanc jauni par le temps, parsemés de posters médicaux, les mains usées du médecin, son écriture illisible. J'avais toujours apprécié les détails, je pensais c'était là que résidais la beauté, dans ces petites choses que les gens ne remarquent pas.
- Vous souffrez de schizophrénie.
Cette phrase avait sorti de ma torpeur. Elle m'avait frappée par sa simplicité. Elle résonnait dans ma tête, se répercutant sur chaque paroi de mon cerveau. Je ne saurais dire exactement ce que je ressentais. De la peur, inévitablement. Les « Grands Mots » sont toujours associés aux pires « Maux », ces mots (ou ces maux) nous effraient, font basculer notre vie, nous font perdre nos sens en quelques instants, quelques secondes. Parfois, le fait de mettre un mot sur nos maux rend la perspective d'autant plus effrayante, les émotions affluent, la vie défile. Nous étions déjà affectés de nos maux, mais nous regrettons déjà l'ignorance du mot.
Pour moi c'était différent, je ressentis au fond une sorte de soulagement à la pensée que l'on avait enfin su définir ce que j'étais, ou ce qui j'étais, ou enfin je ce qu'il m'arrivait. La maladie ne nous définit pas mais elle fait tout de même partie de nous. J'étais malade, peut-être fou, mais il y avait une raison à mes souffrances.
- Vous souffrez de schizophrénie.
Pour moi le reste n'était plus grave. J'avais enfin cet étrange mot pour qualifier mon mal-être, ma peur quotidienne. « Schizophrénie » ou le mot grec pour dire « fractionnement de l'esprit ». Je ne saurais expliquer pourquoi j'aimais alors cette définition de mon mal-être et de l'existence de « lui » ou de « nous ». Mon esprit se fractionnait et les réalités se mélangeaient, il n'y avait plus de différence et je m'éloignais du monde pour me réfugier en « nous ». La parole n'était plus de mise et Camille était devenue mon seul contact extérieur.
- Je suis schizophrène.
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Alors, vous aviez deviné d'où venait la paranoïa excessive et permanente de Sacha ?
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Nos Âmes Brisées (EN REECRITURE)
Teen FictionIl y a ces moments où l'on s'aperçoit que nous ne tenons plus que sur un fil, si fin qu'une lésion peut nous être fatale. Depuis qu'elle est partie, leurs vies se sont effondrées. Ils se sont éloignés jusqu'à devenir des étrangers, attendant chacun...