Je ne dormais pas. Il était toujours difficile de m'endormir. Petit, maman me berçait. Elle partait toujours lorsque Camille s'était endormie. Puis, la respiration lente de ma jumelle me rassurait et je m'endormais. Plus tard, il fallut que j'expérimente d'autres techniques. Maman estimait que nous n'avions plus l'âge d'être bercés, et Camille dormait dans sa propre chambre. J'avais compté les moutons, lu quelques pages ou écouter de la musique, mais rien ne m'aidait plus que de regarder par la fenêtre. Je restais plusieurs heures allonger dans mon lit sur le flanc droit, le regard fixé sur la lune. J'aimais voir les étoiles scintiller, j'aimais le silence apaisant. La lumière lunaire me rassurait et me permettait d'oublier mes peurs.
La vie d'un schizophrène est peuplée de peurs, d'angoisses permanentes, qu'il nous est impossible de contrôler. La paranoïa nous suit, telle une ombre accrochée à nos pieds. Je pensais à ma schizophrénie comme à un rêve, ou plutôt un cauchemar que je vivais au quotidien. Le rêve est ni plus ni moins que la confusion de notre réalité, enregistrée par notre cerveau, avec des irréalités créées par notre imaginaire. Concrètement, les schizophrènes ne font pas de différence entre le réel et leur imaginaire, ils créent eux-mêmes leur peurs mais ne s'en aperçoivent pas. La folie faisait partie intégrante de mon être, je ne pouvais m'en détacher et seuls les traitements et thérapies que j'avais suivies, tendaient à diminuer mes angoisses. La nuit, elles étaient amplifiées, m'empêchant de dormir correctement.
J'entendis des chuchotements, des rires étouffés. Des ombres passèrent devant ma fenêtre. Mon coeur s'emballa rapidement. Je me concentrais sur la probabilité que cela soit la réalité. J'avais appris à différencier mon imaginaire de la réalité par des moyens détournés. Je passais mes doigts sur la couette, faisant bouger l'une des ombres qui étaient apparues. Celle-si se déplaça tout naturellement sur mes doigts. Je fus immédiatement rassuré. Je décidais de me lever afin de connaître l'identité de ses ombres. Je frissonnais, tandis que je m'approchais de la fenêtre. Celle-ci se trouvant en hauteur, je grimpais sur le coffre à jouets de mon enfance. Il avait été décoré de fleurs par maman et je n'avais jamais osé m'en séparer, trop attaché aux traces de pinceau, témoins de son passage dans notre maison.
Dehors, juste devant le petit portail de notre jardin, se trouvaient deux adolescents. Je reconnus ma soeur et ses longs cheveux, ainsi que son pull rouge. Elle discutait gaiement avec un garçon aux cheveux blonds, légèrement plus grand qu'elle. Je ne voyais pas son visage, mais je ne l'avais jamais vu auparavant. Je tentai de me souvenir des amis de Camille, que j'avais aperçus au lycée. Je fus frappé par le sourire de ma jumelle, celui que j'avais tant aimé dans mon enfance, puis qui avait brutalement disparu pour ne laisser que de la mélancolie sur ses doux traits. Je ne l'avais pas vue rire depuis si longtemps que j'en avais presque oublié les sensations que cela me procurait. Là, devant notre maison, elle ne me sembla jamais plus belle qu'à ce moment précis, heureuse pour la première fois depuis que maman s'était enfuie.
Je la contemplais, lorsque l'adolescent s'approcha d'elle rapidement, collant furtivement ses lèvres contre celles de ma soeur. Elle paru aussi surprise que moi du haut de ma fenêtre. Je senti une pointe de jalousie au fond de mon ventre, moi qui n'avais jamais réellement accepter de partager ma soeur, voilà qu'elle semblait plus proche de lui que de moi. Mais j'oubliais vite cette sensation, pardonnant au jeune homme. Personne n'aurait pu résister au sourire de Camille.
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Nos Âmes Brisées (EN REECRITURE)
Novela JuvenilIl y a ces moments où l'on s'aperçoit que nous ne tenons plus que sur un fil, si fin qu'une lésion peut nous être fatale. Depuis qu'elle est partie, leurs vies se sont effondrées. Ils se sont éloignés jusqu'à devenir des étrangers, attendant chacun...