Mamina et Sacha étaient encore à l'hôpital lorsque j'arrivais à la maison. J'accrochais mon manteau sur le portant de l'entrée. J'étais sur les première marches de l'escalier quand une voix m'arrêta.
- Elle a prit la mer. C'est comme ça qu'elle est partie hein ?
Je redescendis lentement les marches, les jambes flageolantes et les mains moites. Là, sur le canapé habituellement vide, se tenait mon père, les dessins de maman à la main, une bouteille d'alcool posée sur la table basse.
- Je ne sais pas.
Je regardais mon père comme si je le voyais pour la première fois. Et pourtant cela faisait deux ans que je l'observais dépérir. Ses cheveux étaient gris et sales, ses joues étaient creuses et ses yeux étaient fatigués d'avoir trop souffert, trop longtemps. Il puait l'alcool. Je voyais son corps comme l'épave du Titanic. Il était censé être le plus fort, le plus robuste de tous dans mes yeux de petite fille mais son départ l'avait transpercé dans entrailles et entaillé son coeur de part en part à jamais.
- Elle ne reviendra pas hein.
- Non papa. Elle ne reviendra pas, moi répondis-je, toujours stoïque de l'autre côté de la pièce.
Lui avouer qu'elle n'était plus avec nous et cela pour l'éternité me brisa le coeur. Je n'avais jamais osé prononcer ces quelques mots, je n'avais jamais cessé d'y croire. Mais je savais qu'il n'y avait plus d'espoir.
Il se mit à pleurer, en silence, laissant l'air et le temps en suspens. Je m'approchai du canapé pour m'asseoir près de lui. J'écartais la bouteille de whisky. Il leva la tête vers moi, les yeux emplis de larmes.
- Je n'y arriverais jamais sans elle Camille.
Une colère incontrôlable me traversa les veines, horrifiée par tant d'égoïsme, je les détestais tous les deux pour nous avoir abandonnés à notre désespoir au moment où nous avions le plus besoin d'amour. Ils s'étaient écroulés afin d'éviter de surmonter le tsunami de nos vies ensemble.
- Tu ne penses vraiment qu'à toi. Tu me dégoûte. Est-ce que tu as pensé une seule fois à nous ? Tu crois que tu es le seul à souffrir ici ?
Dans ces yeux j'aperçus l'incompréhension. Il déglutit difficilement, sa bouche pâteuse l'empêchant de parler normalement :
- Ne me...parle pas comme ça...je...je suis ton père Camille.
- Toi ? Mas cela fait deux ans que je n'ai plus de père. Tu ne savais pas ? Il s'est échoué dans une mer d'alcool le jour où sa femme s'est cassée à l'autre bout du monde ! Ouais, celui qui nous emmenait voir les étoiles, lui c'était mon père. Mais il n'est là ! hurlais-je, balançant la bouteille de whisky que je tenais encore entre mes mains.
Elle vola dans le salon, finissant sa course contre le mur dans un éclat qui me sembla être l'écho de nos vies explosées.
VOUS LISEZ
Nos Âmes Brisées (EN REECRITURE)
Teen FictionIl y a ces moments où l'on s'aperçoit que nous ne tenons plus que sur un fil, si fin qu'une lésion peut nous être fatale. Depuis qu'elle est partie, leurs vies se sont effondrées. Ils se sont éloignés jusqu'à devenir des étrangers, attendant chacun...