*Camille*

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- C'est qui lui ? gronda Danny entre ses dents.

Cela faisait vingt minutes que le cours avait commencé et visiblement les effets de son petit moment d'évasion étaient toujours actifs. Il était agressif, les yeux rouges. Je détestais le voir comme ça et j'espérais ne pas lui ressembler quand moi-même je décidais de m'évader. 

- Qui lui ? lui demandais-je. 

- Tu me prends pour un con ? Les autres le sont peut-être mais pas moi.

Il posa sa main sur mon poignet et le serra, de plus en plus fort, jusqu'à laisser perler une larme au coin de mes yeux. Je savais qu'il ne se contrôlait plus, il ne percevait plus sa force. Je lui pardonnais pour son écart de violence. 

- Mon frère, répondis-je rapidement, seulement quelques secondes avant de devoir crier de douleur.

- Ton frère ? s'enquit-il.

Le professeur frappa la table d'un coup de règle et je sursautais.

- Je ne vous dérange pas j'espère.

Dany se tut, baissant les yeux. Il avait au moins encore conscience qu'il s'était complètement défoncer quelques heures auparavant. 

Le vieil homme n'insista pas et poursuivi son cours, que je n'avais jamais réellement écouté. Il faut dire qu'il peinait à intéresser la classe, la plupart des élèves somnolaient les yeux ouverts pour faire acte de présence.

Je massais mon poignet endolori, où la trace des doigts de Danny était encore visible. Il fallait que je fume, que je boive, que j'oublie. Là. Tout de suite. Une envie imprévisible et totalement irrépressible. Je suffoquais de l'intérieur, j'allais étouffer, comme mon âme l'était déjà depuis longtemps. Je venais d'avouer à Danny l'existence de mon frère. Mon coeur rata un battement à cette seule pensée. Plus rien d'autre ne comptait, il fallait que je sorte.

- Monsieur, je peux sortir s'il vous plaît. Je...je ne me sens pas bien, dis-je d'une voix blanche.

Il remonta ses lunettes sur son nez, m'observa quelques secondes, mais ne mit pas longtemps avant d'accepter à la vue de mon visage digne d'un mort. Je pris mes affaires, avant de me précipiter vers la sortie sans un au revoir pour personne.

L'entrée du lycée était déserte. Je m'allongeais de tout mon long sur un banc, sur lequel les dessins humoristiques, les insultes et les déclarations d'amour témoignaient des années de déboires lycéens qu'il avait vu passer. Je sortis un joint du fond de mon sac afin d'happer la fumée. Je n'avais pas pour habitude de me défoncer en plein milieu des cours, c'était la première fois. Mon être s'apaisa en sentant les filets drogués s'infiltrer dans chaque pore de ma peau, pénétrer mes poumons, se frayant un chemin jusque dans mon cerveau.

Je passais mon doigt sur les écrits datant peut-être d'une dizaine d'années pour certains, m'attardant sur l'un d'eux.

« Parce que chaque baiser volé est un petit bout d'innocence qui nous échappe »

Cette phrase me frappa par sa poésie. Au milieu de tant d'insultes, de dessins malsains et de déclarations futiles se trouvait une phrase si simple et si belle par sa justesse. Je ne savais pas qui en était l'auteur mais j'appréciait son écrit, et je me pris à imaginer qu'il l'avait inscrit pour que que je puisse le lire un jour. Peut-être était-ce seulement parce que cela résumait si bien l'adolescence qu'il l'avait laissé là. 

Nos Âmes Brisées (EN REECRITURE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant